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vérité, il y avait eu sous le règne de Frédéric-Guillaume III un grave conflit à propos des hermésiens, et de violentes discussions au sujet des mariages mixtes ; l’archevêque de Cologne fut emprisonné, et le pape fulmina contre le roi. La bonne entente se rétablit à l’avènement de Frédéric-Guillaume IV, à qui les protestans reprochèrent plus d’une fois ses complaisances excessives pour le catholicisme. Dans la séance du 4 février 1874, M. de Bismarck disait aux catholiques de la chambre des députés : « Pendant une période de vingt années, vous avez eu la paix telle que vous l’entendez, telle que vous la désirez, c’est-à-dire qu’on vous a permis d’exercer la domination la plus absolue, et de placer vos avant-postes jusque dans le ministère même. » On ne s’attendait point à ce que cette paix fût troublée de sitôt. O vanité des conjectures humaines ! Il y eut un moment, après la guerre franco-allemande, où la curie romaine s’imagina que le souverain hérétique qui venait d’être proclamé empereur d’Allemagne avait reçu du ciel la mission glorieuse de rendre à l’église, abandonnée ou trahie par les puissances catholiques, les plus éclatans, les plus précieux services. Dans les premiers mois de 1871, on caressait au Vatican l’espoir que Guillaume Ier allait prendre dans ses puissantes mains la cause du saint-siège, et qu’éclairé d’une lumière miraculeuse, il emploierait l’épée de Sadowa et de Sedan à restituer au pape son pouvoir temporel. En ce temps, on n’avait garde de le traiter d’Attila ; on lui faisait des avances, on lui offrait de l’eau bénite ; on voyait en lui le moderne Cyrus, suscité de Dieu pour délivrer de sa dure captivité le peuple d’Israël, pour le soustraire à la main pesante de Balthazar et le rétablir dans l’héritage de ses pères. On avait rêvé, on se réveilla ; on s’était abusé grossièrement, on se plaignit d’avoir été trompé.

Les gens qui attribuent volontiers les grands effets à de petites causes ont expliqué la brouillerie entre Berlin et le saint-siège par des piques d’amour-propre, par de mesquines rancunes, par de petites influences occultes. On a dit que le chef du centre catholique, M. Windthorst, n’avait jamais eu le don de plaire au chancelier de l’empire, et que M. de Bismarck était parti en guerre contre le Vatican pour faire pièce à un homme qui lui inspire une insurmontable aversion. M. de Bismarck est sujet à prendre les gens en grippe, et ses antipathies personnelles ont influé quelquefois sur sa conduite ; mais on nous persuadera difficilement qu’il se soit lancé dans une entreprise pleine de difficultés et même de périls par la seule raison que le visage de M. Windthorst ne lui revient pas. D’autres ont avancé qu’il avait cédé en cette occasion aux instances réitérées de quelques hommes marquans du parti libéral, tels que MM. de Bennigsen et Miquel. On a prétendu aussi qu’en ouvrant une campagne contre l’église, les coryphées du parti libéral avaient voulu faire une habile diversion et détourner l’attention publique de certaines aventures financières, de certains coups de bourse