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un peu creuses, il y a là beaucoup de talent. Dans le Portrait du commandant T…, du même peintre, le modelé et le coloris sont meilleurs.

Les dernières inondations de Toulouse, et un peu aussi le Naufrage de la Méduse, ont inspiré à M. Roll un grand tableau, très dramatique, très saisissant, et qui, en dépit de sa facture trop lâchée et de la vulgarité de certaines figures, gagne à être revu. La plaine est devenue la mer. Les eaux remuées roulent des épaves dans leurs flots verdâtres et bourbeux. Les cimes des arbres, les toits des hautes maisons, les tuyaux de cheminée des chaumières englouties émergent seuls de cette nappe glauque, qui s’étend des premiers plans jusqu’à l’horizon sous un ciel gris balayé de grands nuages noirs. Une barque montée par deux vigoureux bateliers, nus jusqu’à la ceinture, tente d’aborder à un groupe de terrasses et de toits battus par les flots, dernier refuge des inondés. Une femme demi-vêtue, tenant sur ses genoux un enfant évanoui d’effroi, tandis qu’un autre se cramponne à son cou, fixe de ses yeux hagards, pareils à ceux d’une folle, la barque qui vient la sauver. Juchée sur le faîte d’un toit, une vieille femme regarde les sauveteurs d’un air presque indifférent, comme hébétée par la vue de cette scène sinistre. Près d’elle se tient une jolie petite fille, la tête couverte d’un bonnet noir. Ces deux figures semblent descendues d’un cadre de Millet. Au premier plan, un homme nage vers la barque. Tout cela est largement peint, ou plutôt martelé à coups de couteau à palette, dans une couleur sombre et vigoureuse. Le grand nuage noir qui envahit le ciel au milieu de la toile est d’un effet superbe. Que M. Roll se garde de ses impardonnables négligences de dessin et de ses à-peu-près de modelé. Il a un vrai tempérament de peintre, il le doit fortifier par l’étude. Qu’il rende aussi à Géricault et à Millet les figures qui leur appartiennent, puisqu’il en a qui sont bien à lui. La mère affolée tenant ses enfans, groupe principal de la composition, est tout simplement très belle.

À cause de leur dimension, il convient de placer dans les essais de grande peinture un certain nombre de toiles qui par leur sujet appartiennent à la peinture de genre. Au nombre de ces tableaux de genre agrandis s’impose, malgré qu’on en ait, la Première communion à l’église de la Trinité, de M. Gervex. Si le jeune artiste n’y prend garde, s’il s’obstine à ne chercher que l’effet en des sujets de genre traités dans les proportions de la peinture d’histoire, sans s’inquiéter du sentiment ni du style, il arrivera bientôt à ambitionner les lauriers de pacotille de MM. Caillebotte, Monet, Degas, Renoir et autres impressionnistes. Tout son talent ne le sauvera pas. Dans sa Première communion, il a cherché sans y réussir la fameuse symphonie en blanc majeur. Il n’a trouvé que la symphonie en