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M. Luc Ollivier-Merson, dans ses deux peintures décoratives destinées au Palais de Justice, a montré saint Louis inaugurant son règne par la clémence et le continuant par la justice. La première de ces compositions représente Saint Louis à son avènement au trône faisant ouvrir les geôles du royaume. L’enfant-roi, escorté de seigneurs et d’hommes d’armes, assiste à la sortie d’une des geôles. La grille massive en est ouverte par un geôlier que sur sa mine patibulaire on devrait bien envoyer prendre la place de ses prisonniers. Enfans et vieillards s’élancent hors de la prison vers leurs parens et leurs amis. L’un embrasse sa vieille mère, l’autre caresse son chien qui l’a reconnu et qui saute après lui. Deux jeunes gens, leur chaîne brisée entre les mains, s’agenouillent devant le roi et baisent le bas de sa robe blanche. Saint Louis, malgré les supplications de ses barons, condamne Enguerrand de Coucy, tel est le titre de l’autre peinture. Ce n’est point sous le chêne légendaire que cette fois Louis IX rend la justice ; c’est dans une galerie ouverte, aux arcs surbaissés et aux colonnes trapues. Nous retrouvons à peu près la même composition que dans la geôle. Le roi est également assis sur un trône avec une figure également à genoux devant lui : celle du sire de Coucy. La seule différence est que saint Louis montre son profil gauche au lieu de son profil droit, et que le groupe des barons est devant le souverain au lieu d’être derrière lui. Quand nous aurons ajouté que la coloration est discrète et que le dessin serré et précis rappelle un peu la manière de Cabanel, on saura quelles sont les tendances de M. Luc Ollivier-Merson. C’est un chercheur de style, et il y atteint parfois. Mais il nous semble qu’il est inutile, pour accuser le caractère des figures, de les peindre toutes de profil et de leur donner des nez et des mentons en casse-noisette. Nous ne pensons pas que ce fût la mode au XIIIe siècle de se présenter exclusivement de profil, ni qu’en ce temps-là les nez fussent plus longs et les mentons plus osseux qu’ils ne le sont aujourd’hui.

L’Attentat d’Anagni, de M. Albert Maignan, est un fort remarquable tableau dont il faudrait vanter l’originalité s’il ne rappelait trop la première manière de M. Jean-Paul Laurens. C’est la même composition dramatique dans le bon sens du mot, le même modelé vigoureux procédant par ombres vives, la même palette où prédominent le noir, le blanc et le jaune. A la tête d’une troupe de reîtres, Sciarra-Colonna vient pour tuer le pape Boniface VII. Le vieux pontife, dressé tout debout, arrête les bandits de son regard courroucé. La composition en hauteur manque de lien. Tout est sacrifié à la figure du pape. Mais ce vieillard a un si grand caractère de majesté qu’il suffit seul à produire le puissant effet du tableau.

M. Jan van Beers, qui a l’originalité, vise à la bizarrerie. Les