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Faites-nous la charité,
Donnez-nous un sou marqué.
Si les sous marqués manquent,
Donnez-nous de l’argent blanc.


En Bourgogne, c’est pendant la semaine sainte que les enfans vont quêter des œufs en chantant la complainte de la Passion, et en promettant à ceux qui donneront de bon cœur qu’ils iront tout droit en paradis :

Droit comme un ange auprès de Jésus-Christ.


Au 1er  mai, dans la Meuse et le pays messin, les fillettes, vêtues de robes blanches, coiffées de branches vertes, allaient jadis, en dansant et en chantant, célébrer le renouveau et quêter pour l’autel de la Vierge. Les chansons consacrées pour ce jour-là s’appellent des trimâzos. Dans quelques-uns de ces trimâzos, la joie du printemps revenu éclate à chaque vers ; il semble qu’on y entende le bourdonnement de la sève en fermentation dans les cœurs et dans les plantes :

En passant avau (parmi) les champs,
J’ons trouvé les blés si grands,
Les avoines vont se levant,
Les aubépines fleurissant.
Trimâzos !
C’est le mai, le joli mai !
C’est le joli mois de mai !


Tout en chantant, l’enfant prend de l’âge, et avec l’âge il prend un métier. Au village, les loisirs de l’enfance sont courts ; sitôt que le garçon atteint ses quatorze ans, on le fait travailler. Voilà les bambins de tout à l’heure qui deviennent apprentis et compagnons. Les uns s’en vont bûcherons dans la forêt, les autres, marins sur la mer ou moissonneurs aux champs ; mais au milieu de leur travail ils chantent toujours. C’est le cycle des chansons de métiers et de compagnonnage. L’apprenti se console de la monotonie de sa tâche avec un peu de musique, et dans sa chanson on entend, comme un écho, résonner le bruit de ses instrumens de travail. Écoutez la chanson du batteur en grange ; on dirait que le refrain est rhythmé par le choc des fléaux tombant en cadence sur l’aire :

Dans la peine, dans l’ouvrage,
Dans les divertissemens,
Je n’oublie jamais ma mie.
C’est ma pensée en tout temps.
— Ho ! batteux, battons la gerbe,
Compagnons, joyeusement.