Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/602

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sujet, bon tout au plus à servir de frontispice à la relation du voyage scientifique du passage de la planète Vénus ? Que veut dire cette alliance hybride de mythologie et d’astronomie ? L’Apollon qui conduit le quadrige du soleil est tellement lourd de formes qu’il paraît devoir bientôt subir le sort d’Icare. L’Heure qui arrête les chevaux a un bras qui n’en finit plus, car l’étroite partie du dorsal que découvre l’échancrure de la tunique semble en être la continuation. C’est un bras en trois parties ! Les Amours ont une grâce charmante et ineffable, mais ils sont pris à Baudry. Pour la Vénus, qui a la physionomie d’une jolie fille de petit théâtre, elle affecte dans sa pose contournée la silhouette en zigzags d’un paraphe calligraphique.

M. Monchablon a, lui aussi, bien maltraité la déesse de l’amour dans la toilette de Vénus : peinture mièvre et soufflée, composition aussi prétentieuse que banale, galbes ronds, contours secs, coloris dans le goût des chromolithographies. Les Océanides du Prométhée de M. Henri-Eugène Delacroix ne sont guère plus séduisantes que la Vénus de M. Monchablon. Elles ont toutefois plus de couleur et plus de vie. Certaines figures sont peintes très largement, d’autres au contraire attestent une exécution des plus lâchées. Maigre, grimaçant, verdâtre, le Prométhée est laid à faire peur aux Océanides. La Médée de M. Morot n’est point massive comme certains marbres grecs ; elle est hommasse comme certaines Transtévérines vieillies. C’est un amas informe de chairs bouffies. La face est belle, quoiqu’un peu vieille, et pleine de caractère, quoique trop mélodramatique. M. Morot se relève dans le corps de l’enfant vu de dos qui regarde sa mère. Quelle pâte souple et grasse ! quelle carnation chaude et éburnéenne ! À voir leur structure baroque, leurs museaux allongés, leur coloration fauve, leurs gestes qui n’ont rien d’humain, on prendrait plutôt les Jeunes Satyres de M. Priou pour une nichée de jeunes singes. Étendu au bord d’une source, le Narcisse de M. G. Courtois y mire complaisamment son image. Il est tout nu, car une draperie rouge, glacée de laque d’un ton très fin, a glissé de son épaule à terre. Cette draperie a bien mal pris son temps. Sa chute malencontreuse découvre un corps grêle et parcheminé qui serait bien à sa place, enveloppé de bandelettes, dans le sarcophage d’une momie de la XIIIe dynastie.

Dans le tableau de M. Dubufe fils, Adonis vient de succomber à l’horrible blessure que lui a faite le sanglier de Diane. Il est tombé sur la lisière d’un bois de myrtes et de lauriers-roses dont les branchages touffus s’écartent sous les mains de Vénus pour livrer passage à la déesse. L’Olympienne regarde le cadavre sanglant de son amant d’un air un peu trop effaré pour une divinité. Cet effarement