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la diplomatie, aux luttes parlementaires; elles sont l’embarras des gouvernemens, la tentation irrésistible des partis plus que jamais implacables, et c’est ainsi que dès le premier jour de la session qui vient de se rouvrir, sans plus attendre, le conflit a éclaté dans la chambre des députés sous la forme d’une interpellation des gauches au sujet des « menées ultramontaines. » C’est là vraiment ce que nous appelons une session ouverte sous des auspices peu rians entre des complications extérieures, dont le seul spectacle devrait rallier tous les patriotismes prévoyans, et des excitations intérieures qui ne peuvent que diviser.

C’était à peu près inévitable avec le tour que prennent les discussions publiques, nous le savons bien. Il est malheureusement trop visible que depuis assez longtemps, par la plus étrange des confusions, il s’est formé un esprit semi-politique, semi-religieux, aussi compromettant pour la religion que pour la politique, plein de velléités agitatrices, fort disposé à se mettre au-dessus ou en dehors des lois, à ne tenir aucun compte des difficultés, des dangers de la situation faite au pays. Cet esprit, nous en sommes persuadé, n’est réellement ni dans la masse du clergé français, ni dans la masse conservatrice de la nation; mais il s’est assez emparé de quelques-uns des chefs du clergé, de certains groupes des partis conservateurs officiels, pour donner aux uns et aux autres une couleur cléricale, qu’ils arborent du reste dans toutes les luttes, — pour créer une apparence d’agitation. Ce cléricalisme, puisque c’est le nom consacré, a toujours l’air d’entrer en campagne, de préparer des milices pour les conduire au combat, et on ne peut en vérité mieux se représenter un tel esprit que sous la figure de ce jeune officier de cavalerie, qui semble n’être entré à la chambre des députés que pour être le porte-fanion laïque et mondain de l’église. M. le comte Albert de Mun, qui s’est jeté l’autre jour si vaillamment dans la mêlée, son drapeau à la main, est un brillant chevalier du sacerdoce, au cœur loyal, à la parole convaincue et ardente. Il n’a qu’un défaut, il fait de la politique en prédicateur qui développe quelque thèse sacrée sans regarder autour de lui, et quand il s’arrête devant le pape pour saluer « ce grand nom, » pour nous dire tout à coup ce que c’est que la papauté, il a trop l’air de réciter pieusement quelque monologue à la façon d’Hernani. Avec cette éloquence plus chaleureuse que substantielle, plus mystique qu’originale, nous sommes un peu loin de Montalembert et de Lacordaire. Des officiers de cavalerie dirigeant les cercles catholiques, déployant dans l’enceinte législative un drapeau de théocratie ou même introduits dans les chaires des églises par la main complaisante de quelques prélats, et devenant les auxiliaires des évêques, tout cela constitue des mœurs assez nouvelles; tout cela peut paraître singulier à des âmes simplement religieuses, et dans ces derniers temps il y a eu évidemment une recrudescence dont une récente allocution du souverain pontife semble avoir donné le signal.