Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/363

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pièces, que les écoles se réunissaient au peuple pour proclamer là république; mais vers midi ces rumeurs furent démenties, et l’on vit descendre des hauteurs du Panthéon une colonne composée de plusieurs milliers d’étudians, qui se promena dans Paris en invitant tous les citoyens à respecter la loi et l’ordre public et délégua vers le roi quelques-uns de ses membres afin de lui exprimer ces sentimens. Cette manifestation, bien qu’elle révélât plus d’un danger et transformât les écoles en pouvoir nouveau avec lequel le gouvernement serait bientôt tenu de compter, s’il n’arrivait à le dominer, apaisa ce jour-là la fermentation naissante et prévint sans doute des troubles nouveaux et sanglans. Le soir, Paris fut paisible; les hauts personnages du gouvernement et des chambres, réunis dans les salons de M. de Montalivet, où l’on vit ce soir-là, empressés à louer le jeune ministre, MM. Royer-Collard, de Martignac, le corps diplomatique, les chefs de l’armée, se félicitaient d’avoir pu, grâce à un concours d’efforts et de bonnes volontés rassurant pour l’avenir, faire franchir heureusement au pays cette crise depuis si longtemps redoutée et assurément redoutable.

Le lendemain, le roi, après avoir adressé dans une lettre au général de Lafayette ses félicitations à l’armée et à la garde nationale, parcourut à cheval tous les quartiers de Paris. Il reçut d’innombrables témoignages de respect et de sympathie d’une population délivrée et rassurée par le triomphe du gouvernement sur le parti du désordre, par le succès décisif des idées d’humanité et de clémence, et surtout par la volonté que venait de manifester l’immense majorité des pouvoirs publics d’en finir avec les forces anarchiques dont la révolution de juillet avait déchaîné les espérances et qui s’étaient liguées pour imposer leurs coupables volontés au trône nouveau ou pour le briser, si elles ne parvenaient pas à l’affaiblir irréparablement en le déshonorant. À ce point de vue, le procès des ministres eut un épilogue qui doit être aussi celui de ce récit. Malgré sa crédule confiance dans les élémens populaires dont nous venons d’exposer la funeste influence et les méfaits, le général de Lafayette avait tenu, durant le procès, un rôle aussi loyal qu’important. La générosité naturelle de son cœur, la droiture de ses intentions, en dépit de quelques imprudences, s’étaient affirmées avec éclat; mais à l’issue de la crise il eut la faiblesse de ne pas se montrer satisfait de l’interprétation donnée de tous côtés à un dénoùment auquel pour sa part il avait noblement concouru, et à la victoire du gouvernement auquel, de concert avec MM. Dupont de l’Eure, Odilon Barrot et quelques autres, il reprochait souvent de renier son origine et d’oublier ses promesses. Son mécontentement éclata peu de jours après, quand, afin de ne pas laisser s’élever dans l’état un pouvoir rival de celui du parlement et de celui de la