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est due au pays. » À ce premier réquisitoire succéda l’appel des témoins au nombre de 31 à charge et 10 à décharge.

Puis le président procéda à l’interrogatoire des accusés ; celui de M, de Polignac devait offrir et offrit plus d’intérêt que celui de ses collègues. Après avoir refusé de s’expliquer sur ce qui s’était passé dans le conseil qu’il présidait et de nommer les ministres rédacteurs des ordonnances, l’accusé nia avoir eu connaissance de manœuvres illégales commises pendant les élections; il se défendit énergiquement d’avoir eu l’intention de violer la charte et prémédité les ordonnances, dont la pensée n’était née que quelques jours avant leur signature, de n’avoir pas concouru de tous ses efforts à arrêter l’effusion du sang. Aucun des ordres donnés à la troupe n’émanait de lui; s’il n’avait pas tenu compte immédiatement de la démarche faite auprès du ministère par des députés pour obtenir la cessation du combat, s’il avait refusé de les recevoir, c’est qu’il ne pouvait leur répondre sans avoir consulté le roi. En revanche, aussitôt après la visite de MM. de Sémonville et d’Argout au maréchal Marmont, et après l’entretien qu’il avait eu lui-même avec les deux pairs, il les avait précédés à Saint-Cloud pour donner sa démission et faire retirer les ordonnances. Quant à l’argent distribué aux troupes sur la place du Carrousel dans la matinée du 29, la distribution en avait été faite sans son ordre, qu’il eût refusé si on le lui eût demandé.

M. de Peyronnet repoussa vivement le reproche d’avoir ordonné des mesures illégales pendant les élections. Il invoqua une circulaire adressée par lui aux préfets le 15 juin, pour leur enjoindre de respecter la liberté des électeurs. Il reconnut avoir rédigé l’ordonnance de dissolution; mais, tout en laissant entendre qu’il s’était efforcé d’abord de s’opposer au système qui avait prévalu, il refusa de faire connaître l’opinion exprimée par ses collègues dans les conseils où ce système avait été discuté. Sur les points de l’accusation qui étaient communs à lui et à eux, il confirma les dires de M. de Polignac.

M. de Chantelauze déclara n’avoir pas désiré le renversement du ministère Martignac, encore qu’il souhaitât alors quelques modifications dans la marche du gouvernement. Il ne nia pas avoir employé des « moyens légaux » pour diriger les votes des magistrats; mais il n’avait mis aucun prix à cet acte de conscience. Il n’avait prononcé qu’une destitution, et encore était-ce pour un motif étranger à la politique. Comme ses collègues, il refusa de divulguer les délibérations du conseil ; mais il avoua être l’auteur du rapport sur la presse, tout en faisant remarquer que l’ordonnance contre les journaux n’était que provisoire et devait être convertie en loi. Aux questions que le président lui adressa pour savoir s’il avait