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étaient absens, 19 excusés pour des motifs de santé, 3 parce qu’ils étaient retenus loin de Paris par des missions diplomatiques; le duc de Gramont, à cause de sa parenté avec l’un des accusés ; le maréchal Soult et le comte de Montalivet, à raison de leurs fonctions ministérielles; l’abbé de Montesquieu, par suite de son caractère ecclésiastique; MM. de Sémonville, de Glandèves et de Chabrol-Crouzols, parce qu’ils figuraient au procès comme témoins. Après cette formalité, on introduisit les accusés. Leur attitude imposa sur-le-champ le respect. M. de Polignac souriait en adressant autour de lui quelques saluts; M. de Chantelauze se traînait avec peine et semblait accablé; M. de Peyronnet affectait un air affligé, qui n’enlevait rien à sa fierté. Quant à M. de Guernon-Ranville, après avoir serré la main de son défenseur, il se plongea dans la lecture d’une brochure, affectant de ne rien regarder de ce qui se passait autour de lui. La cause s’ouvrit par les questions d’usage aux accusés. Après y avoir répondu, ils déposèrent les protestations et les réserves qu’ils avaient déjà faites touchant l’incompétence de la cour, et que leurs défenseurs devaient développer. Puis le président donna la parole aux commissaires de la chambre des députés. L’un d’eux, M. Bérenger, exposa d’abord l’objet et les moyens de l’accusation, laquelle n’offrait plus qu’un intérêt secondaire, les faits qu’elle avait à dénoncer et les argumens qu’elle devait faire valoir ayant été énumérés longuement dans les deux rapports qui lui servaient de base.

Il n’est pas cependant inutile de signaler en passant le caractère un peu suranné, même pour le temps, de l’éloquence des accusateurs. L’éloquence parlementaire et judiciaire était alors en voie de transformation. Tendant à se rajeunir dans la bouche des Martignac, des Guizot, des Sauzet, des Berryer, des Dupin, elle gardait encore dans l’accent d’hommes tels que MM. Bérenger, Madier de Montjau et Persil, une physionomie solennelle et compassée qui rend aujourd’hui difficile et ingrate la lecture de leurs rapports et de leurs réquisitoires. Au surplus, on n’attend pas de nous que nous insérions ici des documens volumineux où le récit des événemens déjà, connus est encadré dans des objurgations passionnées, froidement calculées et débitées froidement; nous n’en devons retenir que ce qui est nécessaire à l’histoire de cette cause mémorable. M. Bérenger résuma ainsi les charges qui pesaient sur les accusés: « La presse périodique détruite, la censure rétablie, les opérations des collèges, audacieusement annulées sous le prétexte d’une dissolution, nos lois électorales abrogées et remplacées par un vain simulacre d’élections, la force des armes inhumainement employée pour comprimer l’indignation et pour assurer le succès de ces désastreuses mesures, voilà les crimes dont la réparation