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les parcourir tous jusqu’en haut, entrez dans l’enclos, c’est un four à porcelaine, et vous n’en trouverez nulle part de plus considérable. Chaque patron a ses procédés particuliers de malaxage et de cuisson, qu’il tient soigneusement cachés, et de là vient l’infinie variété de la céramique japonaise.

Très supérieurs aux Chinois, sinon pour la transparence et l’homogénéité de la pâte, au moins pour la décoration des porcelaines, qui demande un goût sûr et délicat, les Japonais sont au contraire dépassés par leurs voisins dans les émaux incrustés, où le procédé et la patience tiennent une place prépondérante. Ils ne connaissent pas l’art de champlever, c’est-à-dire de ménager sur l’excipient métallique les filets de cuivre qui doivent former des dessins et séparer les différentes cellules de la matière vitreuse diversement colorée; ils n’emploient que le cloisonnage, qui consiste à promener sur l’excipient un mince fil de cuivre contenant l’émail dans ses volutes. Leurs ornemens rouge brique ou jaune orange sur un fond vert de mer n’ont pu jusqu’ici rivaliser avec les colorations bleu azur, vert clair, blanc sale, des cloisonnés chinois; mais ils font dans cette voie des progrès qui ne resteront pas longtemps inaperçus.

Le bronze ne joue qu’un rôle fort restreint dans les habitudes japonaises comparativement à la porcelaine ; il n’y entre qu’à titre de luxueuse inutilité, sous la forme de vases à fleurs, de brûle-parfums, de chibatchi ou brasero ; nous ne reparlons plus de son emploi dans la statuaire. Une bouteille au long col, à la panse aplatie, une fiole mince et allongée, sont les sujets les plus fréquens. Les brûle-parfums ont tous un galbe courtaud et ramassé qui leur vient de la Chine; quelques vases à fleurs ont des cambrures sveltes et énergiques, une ampleur de formes digne de l’art grec. Ce sont les plus anciens; on les reconnaît à la nudité de leurs parois. Les modernes sont au contraire surchargés de sujets en haut relief, d’un style tourmenté et fatigant; le véritable amateur japonais préfère de beaucoup placer sa branche de cerisier dans un récipient plus simple et d’aspect moins compliqué. Le mérite spécial des bronzes japonais, au point de vue industriel, est sans contredit leur belle patine; elle est due non-seulement à la pureté du cuivre employé par les bronziers, exempt d’antimoine et d’arsenic, et chargé d’oxyde de cuivre, mais à la composition de l’alliage et à l’habileté patiente de ces artisans scrupuleux.

On ne saurait s’imaginer dans quelles misérables échoppes et par quels moyens primitifs ils obtiennent ces résultats. Pénétrons par exemple au moment d’une coulée chez l’un des artistes les plus en renom, le vieux Obata. Dans une petite cuisine, un brasier contient les moules, qui sèchent, tandis que le métal en fusion bouillonne