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REVUE DES DEUX MONDES.

Nous sommes en Vendée, en 1792. Les paysans de Valvieille sont moins disposés à s’engager dans les armées républicaines qu’à suivre leur seigneur, qui médite de délivrer le roi prisonnier. Le vieux comte sent qu’il mourra dans la lutte ; qu’importe, il aura fait son devoir. Il sait d’ailleurs que son neveu Raoul aime la comtesse d’un amour chaste et discret, et il se console de sa mort en pensant qu’elle fera deux heureux. Mais voilà qu’un roulement de tambours annonce l’arrivée des républicains ; Berthaud, le représentant du peuple, les accompagne. Il proclame la patrie en danger et exhorte les paysans à s’enrôler. Seul, Jean Dacier veut partir. Ce petit paysan rêveur, qui passe pour un simple d’esprit, s’est enthousiasmé pour les idées de patrie, de justice et de liberté qui s’étaient répandues en France. Le sort en est jeté : malgré les reproches de la comtesse, il suivra le drapeau de la république.

Un an s’est écoulé. Nous sommes à Nantes. Le comte est mort. Raoul a échappé aux bleus ; il est dans la ville, déguisé, et avec quelques amis projette de sauver la comtesse que le tribunal révolutionnaire vient de condamner à l’échafaud. Pour Jean Dacier, il est maintenant capitaine. Il revient juste à temps pour voir passer la comtesse dans la fatale charrette. En vain il supplie Berthaud de l’arracher à la mort. Il n’y a qu’un seul moyen de sauver Marie de Valvieille, c’est de l’épouser. Jean, qui l’adorait en secret, n’hésite pas ; quant à la comtesse, elle croit que c’est une ruse imaginée par Raoul, et elle consent. Quelle n’est pas sa surprise, son indignation, lorsqu’elle apprend que Jean l’aime et qu’il est son maître ? Jean Dacier, tout en la respectant, refuse de la livrer à son rival ; cependant il laisse échapper Raoul, accouru pour la délivrer. Deux mois ont passé, Marie est restée inexorable, et Jean veut mourir dans la bataille qui doit se livrer le lendemain, quand le hasard met de nouveau entre ses mains Raoul, devenu chef vendéen. Mais le commandant Jean Dacier se laisse fléchir par les prières de sa femme ; emporté par un généreux élan, il donne rendez-vous à Raoul au combat qui doit avoir lieu le lendemain, trahissant ainsi le plan des bleus. Berthaud, en apprenant ce qu’il a fait, le livre au conseil de guerre, et il est condamné à mort. Quand l’aube paraît, Jean est fusillé ; à la dernière heure, Marie lui a dit qu’elle l’aimait.

Telle est la donnée de ce drame, qui, tout en laissant voir une certaine inexpérience, renferme des scènes émouvantes et traitées avec ampleur. L’exposition est lente, incomplète ; l’amour de Jean Dacier pour la comtesse n’est pas indiqué ; la situation du comte est assez ridicule. Au deuxième acte, dans la mairie de Nantes, il y a quelques épisodes qui sont d’une longueur extrême. Au contraire, le troisième et le quatrième acte sont hardiment menés. Les situations dramatiques sont nettes, vivantes el bien développées. Seul, le rôle de Berthaud est insupportable : on ne sait ni qui il est ni d’où il vient. Il dit qu’il est né