Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/227

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que ses adversaires eux-mêmes ne peuvent se passer de lui. La séance tenue par le Reichstag le 13 avril a été aussi intéressante que significative. Chaque parti avait délégué l’un de ses principaux orateurs pour payer son tribut d’hommages à l’illustre malade, et pour le supplier de rétablir le plus tôt possible sa santé. L’un des chefs de ce parti progressiste, que M. de Bismarck a pris en détestation, est venu déclarer le premier que tous les successeurs présomptifs et présomptueux du chancelier sont des hommes qui ont perdu le sentiment du ridicule. A la vérité, le docteur Hænel a eu soin de représenter au Reichstag que la gravité de la crise était un avertissement, qu’une constitution dont le bon fonctionnement dépend de la santé d’un homme et se trouve être à la merci d’une attaque de nerfs demande à être remaniée; mais il a promis, sans se faire prier, d’ajourner indéfiniment toutes les propositions qu’il pouvait être tenté de faire à ce sujet. Après le docteur Hænel, M. de Bennigsen, le chef le plus considéré du parti national-libéral, a rappelé tous les services rendus à l’Allemagne par M. de Bismarck, tous les titres qu’il possède à son éternelle gratitude; il a ajouté que, bien que l’institution d’un ministère responsable de l’empire fût une réforme nécessaire, cette réforme ne devait être tentée qu’avec l’agrément et le concours du chancelier, parce que seul il pouvait la faire accepter de l’Allemagne, et il a conclu qu’il fallait attendre son complet rétablissement pour soulever la question. A son tour, le chef du centre catholique, M. Windthors, a pris la parole et il a nié que le bruit qui avait couru de la retraite définitive de M. de Bismarck eût été un sujet de joie pour les ultramontains allemands. « M. de Bismarck, s’est-il écrié, a prouvé par ses actes que lorsqu’il voudra nous rendre la paix religieuse, il sera plus apte à le faire que personne, et, pour ma part, si jamais des négociations venaient à s’ouvrir pour mettre fin à la lutte, j’aimerais mieux traiter avec lui qu’avec la bureaucratie prussienne. » Par la bouche de M. de Kleist-Retzow, le parti conservateur a dit aux libéraux : « Messieurs, si vous voulez du bien au chancelier de l’empire, si vous souhaitez sincèrement que sa cure de repos lui soit profitable, ne venez pas nous proposer des réformes qui, vous le savez, ajouteraient aux difficultés de sa situation, achèveraient de lui rendre la vie insupportable. C’est à lui, c’est à lui seul, quand il aura recouvré ses forces, de corriger ce qu’il peut y avoir de défectueux dans nos institutions. « Enfin, le représentant des conservateurs libres, le comte Bethusy-Huc, a déclaré que le premier devoir du parlement était de voter les lois qui tiennent au cœur du chancelier, en particulier l’abolition des contributions matriculaires et le remaniement des impôts, et il a déclaré aussi que le retour de la crise ne pouvait être prévenu que si le chancelier de l’empire trouvait dans le ministère prussien cette homogénéité de vues en matière d’impôt et de finances qui est indispensable à l’exécution de ses plans. C’est ainsi que dans cette remarquable