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— Jane est toujours la bienvenue parmi nous.

— Et vous, monsieur, pardonnez-moi d’avoir retardé votre dîner. Ce m’est un grand plaisir, ajouta-t-elle en me tendant la main, de vous retrouver. Je vous croyais à Honolulu.

— Et moi, je ne vous savais pas à Havaï.

— Je n’y suis que depuis peu. Je vais rejoindre mon frère à Kaïlua en passant par le volcan. On me dit qu’une nouvelle éruption se prépare. Est-ce vrai, Frank?

— Je le crois. Nous avons ressenti dans ces derniers jours quelques tremblemens de terre, et deux de nos hommes, revenus ce matin du sommet de Mauna-Loa, ont dit avoir remarqué dans le sud une fumée plus épaisse que d’ordinaire. Avez-vous des guides sûrs? ajouta-t-il avec empressement.

— J’ai Kimo avec moi, aussi n’ai-je pas besoin de guides. La route lui est aussi familière qu’à vous, Frank, et je n’ai pas peur de Pelé, déesse des volcans.

— Kimo est donc toujours à votre service? reprit Frank en fronçant le sourcil.

— Oui certes, et j’espère que ce vieux serviteur ne me quittera jamais. Je me souviens maintenant que vous ne l’aimez pas; que vous a-t-il donc fait?

— Rien, répondit Frank, et, pour être juste, je dois dire qu’il vous est entièrement dévoué. D’où vient la défiance qu’il m’inspire? Je ne sais; elle existe, et... vous ne la partagez pas.

— Loin de là, reprit-elle avec hauteur, et si vous le voulez bien, nous laisserons ce sujet de côté.

La conversation devint générale. L’itinéraire que se proposait de suivre Jane n’était pas précisément le mien. J’avais projeté de faire l’ascension de la montagne, de redescendre sur l’autre versant et de gagner Kaïlua directement sans passer par le cratère. Jane m’engagea vivement à faire route avec elle et à remettre à plus tard mon ascension. Je pouvais aussi bien l’effectuer de Kaïlua, et ce que l’on disait du volcan tentait ma curiosité, aussi acceptai-je son offre sans hésitation.

— Et vous, Frank, ajouta-t-elle, ne voulez-vous pas être des nôtres?

— En doutez-vous?.. Mais je ne sais si je puis m’absenter en ce moment. Mon père a besoin de moi, c’est un lourd fardeau, à son âge, de diriger tout ici.

— Bien. Je lui en parlerai après dîner, dit la princesse, car nous prenons le thé avec lui, n’est-ce pas?

— Il vous attend en effet, il sera bien heureux de vous revoir et de causer avec vous du temps passé,