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trois passions violentes : mâcher le bétel, fumer le cigare et faire parade de leurs bijoux aux processions.

Les indigènes vivent dans des maisons aux parois en bambou, aux parquets en rotins dorés par le frottement et à la toiture en feuilles desséchées de palmier ou nipa. Ces habitations, qu’entourent ordinairement des aréquiers, des bananiers, des hibiscus arborescens, sont élevées sur des poteaux à 4 pieds du sol, comme les anciennes constructions lacustres, soit par crainte des inondations, des fortes marées et de l’humidité, qui est toujours très grande, soit pour en rendre l’accès moins facile aux voleurs. On y monte par une sorte d’échelle. Au-dessous de la maison, entre le sol et le plancher, sont placés les instrumens de labour ou de jardinage; c’est aussi le refuge des porcs, des poules, des canards, des pintades et des dindons. Une habitation ordinaire n’a qu’une petite antichambre, deux chambres et une cuisine séparée du principal corps de logis par un petit pont en bambou. L’une des deux chambres sert de salon le jour et de dortoir la nuit, l’autre de salle à manger. Les indigènes dorment sur le rotin, un peu pêle-mêle, dit-on, sans draps ni couverture, presque toujours habillés. Tout autour de l’intérieur des cases s’étend une banquette en bambou qui devrait servir de siège, mais les habitués du logis ne s’y mettent que dans les grandes occasions; ils préfèrent se reposer, travailler ou causer accroupis, dans une position qui leur est familière. Dans chaque logis, on trouve à profusion des boîtes à bétel, à cigarettes et à cigares, des couteaux appelés bolos, des paniers à coutures ou tampipis, et quelques livres de religion en dialecte du pays. Si l’Indien est riche, on voit dans son salon une console sur laquelle figurent un saint quelconque ou la Vierge, une palme bénie qui garantit de la foudre, des vases portant des fleurs artificielles, et une boîte à musique. Dans quelques-uns, il y a une guitare, des castagnettes et un tambour de basque. Si un étranger fait une visite à un indigène, celui-ci offre aussitôt à son hôte du bétel et des cigarettes, et pour peu que le visiteur en exprime le désir, les femmes présentes dansent devant lui la cachucha, le jalco ou le fandango; sans trop se faire prier, elles chantent aussi ce qu’elles savent en chansons indiennes, mélodies toujours tristes et ayant un grand caractère de simplicité. Lorsque c’est la fête d’un faubourg ou d’un village, ces braves gens dépensent jusqu’à leur dernier centime pour bien recevoir leurs invités. La présence chez eux d’un castila ou d’un blanc, dans ces jours de réjouissance, est considérée comme un grand honneur.

Les Indiens mangent trois fois par jour : le matin, à midi et à la tombée de la nuit. Leur nourriture principale se compose de riz cuit à l’eau bouillante pendant une demi-heure; lorsqu’il est bien