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d’objets anthropologiques destinés à enrichir sa collection particulière, eut l’occasion de découvrir quelques cimetières préhistoriques et quelques paraderos ou campemens d’anciens Indiens. Les descriptions jusque-là données ne provenaient pas de témoins oculaires, le professeur Strobel, M. W. Musters et M. Burmeister en avaient seuls parlé, mais sans leur attribuer l’importance que devaient leur donner les récentes découvertes. Disons d’abord que les Indiens qui occupent actuellement les régions voisines n’ont rien de commun avec les tribus disparues ou déplacées qui y ont laissé la cendre de leurs morts. En 1781, le vice-roi de Buenos-Ayres établit en ce Leu un pénitentiaire, ce qui détermina le déplacement des tribus antérieurement établies et que Falkner avait décrites, les Puelches, les Tehuelches, qui habitent aujourd’hui au sud du Rio-Chubut et ne viennent plus au Carmen qu’une fois l’an, pour négocier leurs tapis de plumes d’autruches et de guanaques.

Ce sont des individus de cette race que Magellan aperçut sur la rive de la baie de Saint-Julien, où il relâcha, et qu’il décrivit comme des géans, leur donnant le nom de Patagons à cause de la grandeur de leurs pieds, qui lui parurent immenses, recouverts qu’ils étaient de peaux de bêtes pour les préserver du froid. Ces Indiens se servaient de flèches à pointe de silex encore à cette époque, et n’en abandonnèrent l’usage que lors de l’introduction du cheval, vers le milieu du XVIIIe siècle. Tous les ossemens contenus dans les cimetières de cette région doivent être considérés comme appartenant aux Tehuelches. Ils se trouvent presqu’à la surface du sol; les Indiens, ne possédant pas d’outils pour entamer une terre dure, plaçaient leurs morts dans des dunes de sables faciles à remuer, mais que le moindre vent dissipait. Cette action du vent mêlant les ossemens les uns aux autres, on crut longtemps que ces Indiens enterraient leurs morts en fosse commune, ce qui n’était pas dans leurs usages et était tout à fait en contradiction avec le respect que tous les Indiens en général et ceux-ci en particulier ont toujours eu pour leurs morts. Leur mode de sépulture, mieux connu, démontre au contraire la volonté bien arrêtée de ne pas laisser les ossemens se mêler les uns aux autres. Le cadavre, pour l’ensevelissement, était rétabli dans la position que le fœtus avait occupé dans le sein de sa mère, les genoux touchant le menton; ainsi cousu dans un cuir fraîchement écorché, on le déposait dans le sol sablonneux, la tête presqu’à découvert à la surface. Ils attachaient, et leurs descendans attachent encore la plus grande importance à l’accomplissement de ce dernier devoir, et même, par une étrange déviation du sens moral, lui sacrifient le respect de la vie humaine. Quand un vieillard approchait de sa dernière heure, on se préoccupait