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découverte dans les jardins de Mécène, n’est donc pas seulement une curiosité archéologique, il me semble qu’elle nous aide à comprendre et à juger une partie de la littérature de l’empire.


III.

Si les travaux de l’Esquilin, entrepris par l’industrie privée pour la construction d’un quartier neuf, ont été si profitables à la science, que ne pouvait-on pas attendre de ceux que la science entreprendrait elle-même et qu’elle dirigerait à son gré? On avait d’ailleurs un moyen d’être assuré du succès : il fallait fouiller les lieux connus, historiques, qu’on savait avoir été le théâtre des grands événemens du passé. Là, les découvertes étaient certaines, chaque pierre avait un nom et rappelait un souvenir. A ce titre, le vieux Forum romain était désigné d’avance aux recherches des explorateurs. Aussi est-ce du Forum que s’occupa d’abord M. Rosa, et une fois les fouilles commencées, il y fit travailler pendant deux ans sans interruption.

Pour parler des fouilles du Forum, je me sens tout à fait à mon aise : j’ai sous les yeux un ouvrage excellent qui rafraîchit mes souvenirs et me dispense presque de recourir à mes notes. Il est l’œuvre d’un jeune architecte de notre école de Rome, M. Ferdinand Dutert, qui fut témoin des travaux de M. Rosa, qui en suivit jour par jour les progrès, marchant derrière les ouvriers, recueillant et copiant les moindres débris d’ornemens, les plus petits fragmens de sculpture à mesure qu’ils les rencontraient sur leur route. Non-seulement son ouvrage peut apprendre à ceux qui ne l’ont pas vu et rappeler à ceux qui l’ont visité l’état actuel du Forum, mais il a essayé de nous en faire connaître l’état ancien. Il répare ces temples en ruines, il relève ces colonnes renversées, il replace ces statues sur leurs bases et remet sous nos yeux toutes ces magnificences dont il reste à peine quelques débris. Je sais qu’il entre toujours beaucoup de conjectures dans les travaux de ce genre, mais la restauration de M. Dutert s’appuie d’ordinaire sur des indications si précises qu’on peut être convaincu que, dans son ensemble, elle est certaine. J’y renvoie donc en toute confiance les esprits curieux qui voudraient prendre quelque idée de ce que devait être le Forum vers les premiers temps de l’empire[1].

  1. Le Forum romain, par M. Ferd. Dutert, architecte, ancien pensionnaire de l’Académie de France à Rome. Paris, chez A. Lévy. — Le seul reproche que je sois tenté d’adresser à cet excellent ouvrage, c’est d’avoir quelquefois écorché les noms propres. Pourquoi M. Dutert n’a-t-il pas fait revoir ses épreuves par un de ses camarades de l’École archéologique de Rome? On ne l’aurait pas laissé, par exemple, appeler Lepidius le triumvir Lépide.