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parlans. Cette société favorise l’envoi des sourds-muets dans des écoles spéciales qui sont fréquentées également par des enfans entendant parlans. On enseigne aux sourds-muets admis dans ces écoles à produire et à comprendre des sons par le simple mouvement des lèvres. Cette méthode, qu’on appelle la méthode phonomimique, et qui est mise en pratique par M. Auguste Grosselin, se rapproche de celle dont Heinicke a été l’inventeur en Allemagne. Je dois dire que l’efficacité en est vivement contestée par les partisans de la méthode de l’abbé de l’Épée. Quant aux sourdes-muettes, depuis 1859 elles ne sont plus reçues à l’École de Paris, mais envoyées dans celle de Bordeaux qui dépend également du gouvernement. Aussi la charité a-t-elle ouvert pour les sourdes-muettes du département de la Seine un asile qui est situé à Bourg-la-Reine et confié aux religieuses de Notre-Dame-du-Calvaire. Un ouvroir annexé au pensionnat permet de garder les sourdes-muettes sans famille, et quelques-unes sont même admises comme religieuses ; dans la communauté.

L’institution des Jeunes-Aveugles située sur le boulevard des Invalides est peut-être encore plus connue que l’institution des Sourds-Muets. Cette institution, qui reçoit des garçons et des filles, a également le double caractère d’une institution d’enseignement et d’un établissement de bienfaisance. Toutefois c’est ici renseignement qui paraît dominer, tandis qu’aux Sourds-Muets c’est la bienfaisance. Aux Jeunes-Aveugles, le nombre des boursiers est beaucoup moins considérable, et ceux-là même qui sont admis à la faveur assez rare d’une bourse entière doivent verser avant d’entrer le prix de leur trousseau, ce qui exclut les véritables indigens. La direction donnée à l’enseignement se ressent naturellement de ces conditions d’entrée. On cherche à faire de tous les élèves des joueurs d’orgue, ou sinon, des accordeurs de piano, professions qu’on pourrait presque qualifier de professions de luxe. Ce n’est qu’à défaut d’aptitudes qu’on fait de ces enfans des tourneurs, ou des empailleurs de chaises. Il n’y a pas à critiquer cette tendance, mais seulement peut-être à regretter que la charité publique ou privée ne se soit pas inquiétée de la création d’un asile ou les conditions d’admission seraient moins onéreuses, et où les parens à l’indigence complète desquels vient s’ajouter le malheur d’avoir un enfant aveugle pourraient lui procurer le moyen d’apprendre une profession usuelle. Quant à la maison elle-même, je m’arrêterai d’autant moins à en parler que M. Maxime Du Camp en a fait ici même une de ces descriptions auxquelles il n’y a rien à ajouter. Je n’ai pu que vérifier la parfaite exactitude de ses observations et entre autres constater comme lui chez les enfans aveugles