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REVUE. — CHRONIQUE.

C’est la biographie d’un vrai gentilhomme français de la première partie du XVIIIe siècle, guerrier, littérateur et diplomate, et cette biographie a été écrite d’après des papiers de famille el les archives du, ministère de la guerre et des affaires étrangères. L’auteur, qui est mort avant la publication, appartenait à cette excellente maison qui s’appelle la Bibliothèque nationale, où tout sérieux travailleur trouve de si obligeans auxiliaires, transformant leurs fonctions en vraie magistrature au service de la science et des lettres. M. Rathery était parmi les plus bienveillans, et un des plus habiles en cette science des livres, qu’on ne saurait bien acquérir sans aimer les choses de l’esprit. Entouré d’une rare estime, toujours prêt à rendre service par son érudition rare, charmé d’être placé lui-même au centre d’informations et de ressources, il poursuivait aisément soit de fines études telles que celles qu’il a données à cette Revue sur les chants populaires, soit des monographies presque uniquement composées d’informations inédites, que sa situation et son crédit lui permettaient mieux qu’à beaucoup d’autres de réunir; tel est son volume sur le comte de Plélo.

Plélo a inscrit son nom dans l’histoire par un de ces traits de patriotisme héroïque dont le XVIIIe siècle a offert plusieurs beaux exemples. C’était au mois de mai de l’année 1734. La France prétendait maintenir Stanislas Leczinski, élu roi de Pologne, contre son rival Frédéric-Auguste III, que soutenaient principalement les Russes. Cependant le ministère français ne faisait nul sérieux effort; le cardinal Fleury ne voulait ni avoir la honte d’abandonner entièrement notre candidat, ni hasarder de grandes forces pour le soutenir. En vain Plélo, notre ambassadeur en Danemark, qui avait pris chaudement à cœur une cause où il voyait engagé l’honneur national, pressait-il l’arrivée d’un secours efficace. A peine proclamé, Stanislas est obligé de se réfugier à Dantzig, tandis que la Pologne est envahie. Au mois de février, le général russe Lacy commence le siège de la ville; le 1er mai, la grosse artillerie moscovite ouvre le bombardement. Cependant une sortie des habitans a du succès; des renforts qu’attendent les ennemis ne sont pas arrivés; qu’un vigoureux effort soit renouvelé avec ce qu’on a envoyé de Français, et la victoire est peut-être assurée. C’est en ce moment que Plélo apprend à Copenhague la retraite des régimens de Périgord et de Blaisois : ils reviennent de Dantzig en Danemark avec les deux frégates l’Achille et la Gloire, qu’à grand’peine il avait obtenues. Leur commandant est le brigadier-général de Lamotte, un vieux soldat qui a fait vingt campagnes; il n’a pas cru cette fois que sa commission fût sérieuse... Plélo n’hésite pas : « Au nom du roi, votre maître et le mien, dont je tiens ici la place, lui dit-il, je vous ordonne de me suivre, » et il fait tout disposer pour mettre à la voile. « Sire, écrit-il au roi, nos premières troupes, — Fleury appelait avant-garde ce petit corps qu’il envoyait seul, — revinrent hier à la rade d’ici sans s’être présentées devant l’ennemi... La honte qui