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cas d’un pauvre enfant qui avait été recueilli en bas âge, à la fois comme orphelin et comme infirme. Peu à peu sa santé s’était rétablie, son infirmité avait disparu, et rien ne militait plus pour son maintien à l’asile des jeunes garçons incurables, rien que l’abandon complet où il se serait trouvé, si on l’avait mis dans la rue. Force fut donc de le garder à la maison, où il devint un objet d’envie pour ses camarades et un sujet d’orgueil pour les bons pères qui admiraient naïvement en lui le seul enfant sain de corps et libre de membres qu’ils eussent élevé. L’infirme a quitté l’asile pour entrer dans un régiment d’artillerie et n’a jamais cessé d’être en relations avec ses parens d’adoption. C’est l’enfant des Incurables.

Les charges de la maison sont lourdes et sont destinées à s’accroître encore. En effet, lorsque les enfans atteignent l’âge de vingt et un ans, qui est celui de leur sortie réglementaire de la maison, une question se présente, qui préoccupe singulièrement les frères. Que vont-ils devenir ? Quelques-uns sont repris par leur famille, d’autres trouvent à se placer, d’autres, et c’est l’infiniment petit nombre, entrent aux Incurables ; mais que faire des autres, de ceux qui n’ont pas de famille, qui ne sont pas en état de gagner leur vie, et pour lesquels il s’y a pas de place aux Incurables ? À moins de se résigner à les voir mourir de faim à la porte de l’asile on est bien obligé de les garder. Les pensionnaires adultes de l’asile ainsi conservés sont déjà au nombre de douze, et ils deviendront de plus en plus nombreux avec le temps. Il y a là pour les finances de l’œuvre une lourde charge : aussi se demande-t-on sur quelles ressources elle peut vivre. Il ne faut guère compter sur la pension de 15 à 20 francs par mois qui, aux termes du règlement, est exigée par tête d’enfant. Lorsque cette pension n’est pas payée par un bienfaiteur étranger, il est rare que la famille s’en acquitte régulièrement. Souvent même elle n’est pas exigée. En dehors des ressources générales de l’ordre, l’œuvre vit donc de dons, de legs, de quêtes, c’est-à-dire du pain quotidien de la charité, dont la portion est parfois un peu exiguë. Mentionnons enfin, non pour l’importance de la somme, mais pour la rareté du fait, une subvention du conseil municipal de Paris. L’asile des jeunes garçons incurables est le seul établissement dirigé par des congréganistes qui ait échappé à l’hécatombe. Lorsque vint en discussion la question de savoir si la subvention accordée jusque-là à cet établissement serait retirée comme l’avaient été les autres, le conseiller municipal qui représente le quartier eut le courage de dire qu’étant entré par hasard dans cet établissement, il avait pu constater que ces frères faisaient vraiment beaucoup de bien. » Il est regrettable que MM. les conseillers municipaux ne prennent pas plus souvent la peine de