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En outre des raisons culturales, il y a donc dès aujourd’hui un certain intérêt d’art à conserver nos derniers pins cembros.

Le mélèze est aussi un arbre des régions hyperboréennes. Il forme à lui seul un genre isolé parmi les autres conifères, et il se rapproche même des bois feuillus par la ramification non verticillée et par la faculté qu’il a d’émettre une foule de rameaux épars. Ainsi dans les prairies du Tyrol les mélèzes élagués rez-tronc et en queue de rat, comme des peupliers pyramidaux, se recouvrent comme eux de branches nouvelles tout le long de la tige ; en certaines forêts même l’élagage réitéré par intervalles donne l’affouage proprement dit, le bois de feu, tandis que le corps des arbres n’est exploité que pour les constructions ; cet élagage rend le fût noueux, difforme et y produit la carie.

Comme l’épicéa, le mélèze forme de grandes forêts aux limites de la végétation forestière dans la Russie septentrionale et dans les grandes Alpes. Il ne se plaît qu’en climat sec et sous un ciel pur. Dans les Alpes, c’est surtout le versant italien qui lui appartient ; en Russie, c’est dans le nord-est qu’il est indigène, tandis que l’épicéa se trouve au nord-ouest dans des conditions différentes de climat et de sol. Le mélèze d’Europe a dans le monde quelques congénères dont le plus important est le mélèze d’Amérique, connu sous le nom d’épinette rouge ou de tamarac.

Dans les Alpes françaises, la station de cet arbre est comprise entre 1,200 et 2,400 mètres. C’est sur les versans frais, exposés au nord et à l’est, qu’il est le plus répandu. Sur quelques points encore, on peut voir un haut versant couvert de mélèzes depuis le fond de la vallée jusqu’à la ligne où cesse toute végétation arborescente : au printemps ils développent leur feuillage au moment même où la neige disparaît sur le sol à leur pied, la forêt reverdit graduellement de bas en haut, et il faut parfois un mois entier, de la mi-mai à la mi-juin, pour que tout le massif ait repris sa verdure ; mais alors qu’elle est fraîche et tendre ! Sous les mélèzes s’étend un tapis verdoyant semé de fleurs variées ; sur les arbres le feuillage, du même vert que l’herbe, est orné de fleurs rouges qui formeront les cônes ; dans ces massifs clair-plantés la lumière arrive de toutes parts, pure et gaie. La vie semble légère comme l’air des Alpes et rien n’est comparable au calme de ces hautes régions.

La végétation du mélèze est lente. Après un repos de huit mois elle se réveille pour quatre mois à peine ; l’été d’ailleurs est sec et la chaleur modérée. Les sujets qui gagnent un centimètre de tour par an sont des arbres d’élite : en général il leur faut environ deux siècles pour arriver à 1 mètre 1/2 de circonférence ; mais ils ne sont alors qu’à l’âge moyen. Plus tard l’écorce s’épaissit, la flèche meurt quelquefois ; l’arbre continue néanmoins à grossir. Les