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n’avait aucun espoir de secours. Il fallut capituler. La garnison était réduite à 300 hommes. La domination anglaise à la Martinique dura huit années. La paix d’Amiens nous rendit la colonie en 1802; mais, sept ans après, elle retomba au pouvoir de l’Angleterre, qui la garda jusqu’au traité de 1815.

La Guadeloupe n’avait pas été oubliée par l’Angleterre, et, deux mois après l’occupation de la Martinique en 1794, les troupes britanniques avaient envahi la Guadeloupe; mais leur conquête fut éphémère. L’énergie d’un délégué de la convention ne leur permit pas d’en jouir paisiblement. Secondé par un collègue, ce commissaire de la convention, nommé Victor Hugues, rendit l’indépendance à la colonie, tout en y portant l’échafaud. Débarqué à la Guadeloupe avec un très petit nombre de soldats et de marins, il y fut accueilli à coups de canon, non pas seulement par l’ennemi, mais encore par des royalistes français : événement qui explique, sans les excuser, les représailles sanglantes auxquelles l’agent de la convention se livra lorsqu’il eut assuré sa victoire. Mais son triomphe ne fut pas facile. Victor Hugues avait amené 1,250 hommes pour faire la conquête de l’île occupée par 8,000 Anglais, possesseurs des forts. Son premier soin fut d’enlever ces positions, qui couvraient la Pointe-à-Pître. Les assauts furent donnés avec enthousiasme, et le colonel anglais, qui avait le commandement de ces positions fortifiées, fut obligé de les évacuer, non sans subir de grosses pertes. Il fit retraite jusqu’à la Basse-Terre, où il reçut des renforts provenant d’une escadre dirigée par sir John Jervis. Celui-ci comptait bien reprendre possession de la Pointe-à-Pitre; il avait sous ses ordres 6 vaisseaux, 12 frégates et 16 bâtimens de transport. Il débarqua ses hommes, établit ses batteries et se retrancha sur un morne, d’où Victor Hugues essaya vainement de les déloger. Celui-ci avait armé 500 nègres, qui se battirent passablement. Quant aux troupes, militaires et marins furent héroïques. Ils laissèrent 800 hommes sous les palissades des fortifications, d’où ils avaient cherché vainement à débusquer les Anglais. Du haut de leur position, ceux-ci dominaient la Pointe-à-Pître, ils la bombardèrent pendant un mois entier, puis ils attaquèrent les avant-postes, et, pendant la nuit, ils pénétrèrent dans la ville. Victor Hugues avait prévu ce dénoûment, et il s’était préparé à opérer sa retraite sur une hauteur où il avait établi des batteries. Les assaillans l’y suivirent, et avec eux marchait, dit-on, une colonne conduite par un émigré. Certes ceux-ci avaient de bonnes raisons pour combattre l’établissement d’un gouvernement qui devait bientôt procéder par la guillotine à l’exercice de son administration; mais, si l’on a le droit de se soustraire à un tel régime, on n’est jamais excusable de combattre, pour le renverser,