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ni même à une école ; mieux eût valu l’établir dans les faubourgs, auprès des fortifications. L’acquisition de la maison, qui est un ancien hôtel aristocratique, serait revenue moins cher aux fondateurs, et les enfans de la convalescence, comme ceux de l’asile, ne s’en trouveraient que mieux.

C’est dans ces conditions qu’a été ouverte la maison de convalescence des filles, située rue Dombasle, impasse Sainte-Eugénie, à l’extrémité de la rue de Vaugirard. Ces faubourgs de l’ouest de Paris ont en effet un air de campagne qui les rend singulièrement propres à recevoir des œuvres de charité. Lorsqu’on s’y promène au printemps, on se croirait en plein champ au parfum des lilas et à la senteur du terroir. La langue même du peuple se ressent de cet aspect rural. Si vous demandez à un habitant du quartier où est située l’impasse Sainte-Eugénie, il vous répondra qu’elle se trouve « tout à fait dans le haut du pays. » Le jour où j’ai visité cet établissement, on célébrait la première communion à la paroisse de Vaugirard. Les enfans sortaient de l’église, les rues étaient remplies de petites filles en robes blanches, et de petits garçons avec un ruban au bras ; les habitans, debout sur le pas de leurs portes, les suivaient de l’œil avec bienveillance, et l’on ne rencontrait partout que visages épanouis. Presque vis-à-vis de l’église, on aurait pu voir sur la muraille les affiches du dernier candidat à la députation dans l’arrondissement, qui avait été nommé à une majorité considérable. Celui-ci promettait naturellement à ses électeurs comme don de joyeux avènement la séparation de l’église et de l’état, l’instruction laïque et la suppression du budget des cultes. Je lisais cela, et je me prenais à penser à ce caractère singulier du peuple de Paris, qui choisit pour le représenter des adversaires passionnés des institutions religieuses, qui en supporterait probablement avec impatience la suppression, et qui, à tout prendre, vaut mieux que ceux auxquels il prodigue ses suffrages.

L’œuvre de l’impasse Sainte-Eugénie n’a que peu d’importance comme maison de convalescence ; elle ne reçoit guère que douze ou quinze enfans à la fois. C’est aussi une œuvre de première communion et de refuge pour les jeunes filles délaissées. Les femmes qui dirigent cette œuvre sont revêtues d’un costume laïque. Ne leur demandez pas quel esprit les anime, sous quels statuts elles vivent, comment elles pourvoient à leur recrutement ; elles vous répondraient d’une manière évasive. N’insistez pas ; vous les mettriez dans l’alternative de manquer à la vérité ou de trahir le secret d’un des plus beaux mystères de la charité, d’une œuvre qui se cache afin d’engager de plus près la lutte avec le vice, et de pouvoir lui ravir jusque dans ses bras les créatures qu’il a perdues et qu’elles ne renoncent pas à lui disputer. La maison de l’impasse