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concours fit naître, et d’autres ouvrages plus volumineux, qui composent alors toute une littérature funéraire, n’ayant d’intérêt que comme document historique et moral. Des plans de toute espèce se font jour : il en est un qui coupait court à toutes les cérémonies. On y propose de pulvériser les morts. On fera des ossemens une sorte de pâte qui, moyennant un alliage qu’indique l’auteur, permettra à tout citoyen d’en former des bustes qu’il gardera à domicile. Ainsi nous pourrons tous avoir notre galerie des ancêtres. Les procédés divers de l’inhumation et de l’incinération eurent alors leurs avocats. On ne rencontre dans les mémoires des concurrens, sans en excepter celui du citoyen Millot, qui obtint le prix, que des vues morales assez honnêtes, sans beaucoup de portée, un reste d’idées chimériques, l’indication judicieuse de quelques moyens de police, rien qui se rapporte directement aux formes nouvelles que pourra recevoir le luxe funéraire dans une société démocratique, il est vrai, mais libre, et maîtresse sans doute d’honorer ses morts comme elle l’entend.

La réaction religieuse allait d’ailleurs trancher la question en rétablissant dans les églises et dans les lieux consacrés à la mort les emblèmes du catholicisme. Le faste funéraire renaissait avec le culte des morts remis en honneur et presque à la mode. Les vers de Fontanes, de Legouvé, de l’abbé Delille, les chapitres tout poétiques du Génie du christianisme, servirent d’écho à cette réaction, qui y puisa une nouvelle force. Le luxe funéraire n’avait pas attendu ce signal pour reparaître; l’ouverture des nouveaux cimetières en avait favorisé le développement. C’est alors le tour des classes moyennes à prendre possession de la cité des morts. Elles y marquent leur importance en revendiquant leur part de faste funéraire. Tour à tour féodal, monarchique, puis partagé entre les hautes classes, le luxe funéraire devient bourgeois. Les contemporains en ont conscience eux-mêmes. « On revient, écrivait Lemontey, à la sainteté des devoirs funèbres... Mais, comme si rien de bon et de sage ne pouvait se faire avec mesure, la vanité et l’afféterie corrompent la piété renaissante. Déjà on dispute par le luxe des convois à qui enrichira davantage l’entreprise nouvelle des fermiers d’Atropos; déjà la sculpture et la poésie ne peuvent suffire à orner les catacombes de la bourgeoisie. »

Ce n’était ni au directoire, ni même aux périodes qui ont suivi jusqu’à la restauration, qu’il fallait demander la réforme du luxe funéraire sous le rapport de l’art. Le goût public reste engagé et comme figé dans la mythologie : elle préside aux vers, elle fournit des sujets à tous les objets d’art; elle règne trop souvent encore sur les sépultures. Sur les somptueux tombeaux d’acteurs célèbres qui semblaient prendre avec éclat leur revanche des anciens refus