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précautions sont prises à Great Ormond street. Au troisième étage de la maison sont installées des salles particulières où des chambres isolées destinées à ces cas exceptionnels ; l’une de ces salles est consacrée aux enfans atteints de la coqueluche, les chambres aux maladies proprement dites. Lorsque j’ai visité l’hôpital, la fièvre scarlatine venait de se déclarer chez un enfant. Il avait été immédiatement transporté dans une de ces petites chambres, séparée du corridor par une double porte. Une garde-malade, qui lui était spécialement affectée, ne le quittait ni jour ni nuit, et ne soignait, par crainte de propager la contagion, aucun autre enfant. Je ne pus m’empêcher de penser à ce mélange de toutes les maladies, qui est une si grande cause d’insalubrité pour nos hôpitaux en France, et d’envier à l’Angleterre ce luxe et cette générosité des simples particuliers, qui permettent d’opposer à l’insuffisance de certains établissemens publics des modèles aussi accomplis de fondations privées.

Ce qui constitue aussi une des grandes supériorités de l’hôpital de Great Ormond street, c’est le personnel qui s’adonne au soin des malades. Je ne parle pas seulement des médecins qui comptent parmi les premiers de Londres, mais aussi des gardes-malades. Les femmes qui remplissent ici les fonctions tenues dans nos hôpitaux par les religieuses sont presque toutes des filles de médecins ou de pasteurs qui se sont consacrées par dévoûment au soin des enfans, sans autre rémunération que d’être logées et nourries à l’hôpital ; on leur donne le nom assez aristocratique de ladies, et elles sont sous l’autorité d’une lady superintendent. Les offices inférieurs sont remplis par des femmes à gages qui, sous le nom générique de scrubbers (frotteuses), s’acquittent de fonctions analogues, mais un peu inférieures cependant, à celles de nos infirmières.

Puisque je suis amené à parler de cette question du personnel des gardes-malades dans les hôpitaux anglais, peut-être trouvera-t-on un certain intérêt dans quelques renseignemens sommaires sur la composition et le mode de recrutement de ce personnel. Ce qu’il était il y a vingt ans, nous pouvons le demander aux documens officiels anglais : ils nous répondront qu’à cette époque les femmes qui embrassaient la fonction de gardes-malades dans les hôpitaux étaient généralement « trop vieilles, trop faibles, trop ivrognes, trop sales, trop bêtes où trop méchantes pour être capables de rien faire d’autre. » C’est à la personne qui a porté ce jugement sévère et dont le nom est bien connu en France, c’est à miss Florence Nightingale que revient l’honneur d’avoir entrepris la réforme de ce personnel. Le vrai titre de gloire de miss Nightingale n’est pas d’avoir fait avec un peu trop de bruit à l’époque de la guerre de Crimée ce que d’humbles sœurs de Saint-Vincent-de-Paul