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en moins d’un demi-siècle. La superficie du royaume étant de 50,000 kilomètres carrés, la densité de la population, malgré ses rapides progrès, est à peine de trente habitans par kilomètre. C’est le chiffre de notre île de Corse et la moyenne des pays les plus faiblement peuplés du nord et de l’est de l’Europe. Le beau pays méditerranéen, où. dans l’antiquité s’entassaient 5 ou 6 millions d’hommes, a encore aujourd’hui une population plus clair-semée que les provinces centrales de la froide Russie. Les montagnes et les marais à l’intérieur, le manque d’industrie et surtout la décadence de l’agriculture, qui laisse en friche plus de la moitié des terres cultivables et laisse en souffrance la partie cultivée, expliquent seuls cette dépopulation d’une contrée à laquelle la clémence du climat et la sobriété des habitans permettraient une population kilométrique égale à celle de l’Italie méridionale.

Dans un pays dont l’intérieur est encore presque désert, la production ne saurait être considérable. Aussi ne peut-on s’étonner de la faiblesse du commerce extérieur de la Grèce. Malgré les récens progrès, la totalité des importations et des exportations du royaume reste encore au-dessous de 200 millions de drachmes[1]. Les entrées dépassent de beaucoup les sorties; celles-ci atteignaient à peine dans les dernières années 75 millions de drachmes, et encore avaient-elles doublé dans une période assez courte. Le principal objet du commerce de la Grèce avec l’étranger est toujours le raisin de Corinthe; à lui seul, cet article forme une bonne moitié des exportations helléniques : 37 millions de drachmes sur 75 millions en 1874. La production du royaume est ainsi à la merci du plum-pudding et de la cuisine anglaise; ce seul fait est caractéristique. Les autres articles d’exportation sont des figues et des oranges, de la soie, un peu de vin, un peu de coton et surtout de l’huile, une des productions les plus susceptibles de développement dans un pays où l’olivier croît spontanément. En dehors des fruits de la terre, la Grèce, où les anciens ont laissé tant de carrières de marbre égales ou supérieures à celles de l’Italie, n’exporte qu’un seul produit minéral : du plomb provenant des riches amas de déblais amoncelés par l’exploitation des anciens autour des mines du Laurium et dont des Français et des Italiens ont appris aux Grecs à tirer parti[2]. Tous les produits manufacturés sont reçus de l’étranger, et, ce qui est plus singulier, la Grèce en fait venir annuellement

  1. La drachme, naguère légèrement inférieure au franc, lui est égale aujourd’hui, la Grèce étant, on le sait, entrée dans l’union monétaire latine.
  2. Sur l’affaire des mines du Laurium, voyez la Revue du 1er février 1872. L’exportation du plomb s’élevait en 1874 à 3,300,000 francs.