Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/445

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au sud les villages supérieurs de la Rioja Alavesa qui alors ne faisait point partie de la province, tels sont, d’après plusieurs documens, les points extrêmes où parvinrent les Mores, laissant ainsi en dehors de leur empire tout le territoire euskarien. Depuis longtemps déjà le pays basque, dans ses parties converties à l’Évangile, dépendait de l’évêché de Calahorra, une des plus anciennes métropoles de l’Espagne. Vers le milieu du VIIIe siècle, Calahorra étant tombée au pouvoir des Arabes, un grand nombre de chrétiens de la rive droite de l’Èbre, pour fuir le joug des infidèles, passèrent le fleuve et vinrent s’établir dans la plaine ou Concha d’Alava, Cette plaine est élevée de près de 2,000 pieds au-dessus du niveau de la mer ; aussi s’explique-t-on sans peine le contraste qui règne entre sa froide température et le climat beaucoup plus doux des côtes de la Vizcaye et du Guipuzcoa ; pourtant le sol en est généralement fertile et sa position, défendue de tous côtés par de hautes montagnes, devait convenir aux émigrans. De cette époque date la splendeur de la ville d’Armentia, située à peu de distance au sud-ouest de Vitoria, qui n’était pas encore fondée. La tradition veut qu’elle ait compté jusqu’à 20,000 habitans, mais ce chiffre est sans doute exagéré ; néanmoins son importance était assez considérable pour qu’elle devînt le siège du diocèse en remplacement de Calahorra ; c’est deux siècles plus tard seulement, en 1088, qu’elle fut rattachée à son ancienne métropole reconquise sur les infidèles. La basilique d’Armentia fut alors convertie en collégiale, rang qu’elle conserva jusqu’en 1458, où, tenant compte de sa décadence toujours croissante, les rois catholiques transférèrent son titre et son autorité à la paroisse de Santa-Maria de Vitoria.

Aujourd’hui Armentia est un des plus infimes entre les cent cinquante petits villages que l’œil du voyageur découvre du haut de la tour de Vitoria, et l’on aurait peine à reconnaître dans ce tas informe de pauvres maisons grossièrement bâties la brillante cité dont parlent les chroniques. De longues avenues de grands et beaux arbres y conduisent, passant à travers champs. Toute trace de rues ou de murailles a complètement disparu ; l’état des lieux lui-même a subi de grandes transformations ; un petit lac qui s’étendait au cœur de l’ancienne ville, maintenant aux trois quarts comblé, n’est plus qu’un étang insignifiant et va bientôt disparaître. Pourtant la basilique existe, encore, au centre d’un petit plateau, précédée d’une place irrégulière que forme l’écartement des maisons du village. En 1776, comme elle menaçait ruine, sous prétexte de la restaurer, des mains maladroites bouchèrent les fenêtres et la porte de la façade principale, qui est demeurée depuis lors interdite au public ; quant aux bas-reliefs, aux fleurons, aux consoles, dont on l’avait dépouillée, on les transporta incontinent sur le mur latéral de droite, où