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eût pu les voir, comme embarrassés, se rasseoir à leurs places, tandis que les clairons se taisaient et qu’une main précipitamment rentrait la bannière.


III

Les Basques se vantent de n’avoir jamais eu de maître. Retranchés dans leurs montagnes, ils auraient arrêté l’effort des différens envahisseurs qui successivement ont conquis l’Espagne. Cette opinion leur tient d’autant plus au cœur qu’elle fournit un nouvel argument en faveur de leurs privilèges, et depuis fort longtemps déjà leurs historiens, leurs orateurs, leurs poètes, se sont employés à la faire prévaloir. En dépit de tant d’assertions intéressées, tout porte à croire que les Basques, s’ils furent toujours, comme ils le prétendent, les simples alliés d’Annibal et des Carthaginois, subirent, eus aussi, à l’égal des autres peuples de la Péninsule, la domination romaine ; sans doute ils résistèrent, et avec courage, mais ils furent enfin soumis : Cantabros sera domitos catenâ, dit Horace lui-même. Les preuves du passage et du séjour des Romains abondent dans le pays basque ; sans sortir de l’Alava, dans une étude spécialement consacrée à la question, don Francisco Coëllo, ancien colonel du génie et géographe du premier mérite, un des hommes dont la science et le caractère honorent le plus l’Espagne moderne, a pris soin de relever les plus concluantes. Outre la voie militaire portée sur l’itinéraire d’Antonin qui allait d’Asturica à Burdigala en Gaule, en traversant la province, et dont plusieurs tronçons existent encore, une autre route de construction romaine menait de Puentelarra à Villasante dans la province de Burgos ; une dizaine encore, tant à cause des noms latins que des restes de toute sorte, ponts, mosaïques et inscriptions, que l’on rencontre sur leur parcours, semblent appartenir à la même époque. Dire avec Henao que ces inscriptions ont été apportées là plus tard par curiosité serait un pur enfantillage. Les Romains évidemment ont occupé ce territoire ; s’ils n’y ont pas fondé des municipes et des colonies puissantes, comme ils le faisaient partout ailleurs, c’est que la contrée bien moins encore qu’aujourd’hui se prêtait à l’établissement de grands centres de population ; du moins, y possédaient-ils des postes fortifiés, camps et marchés comme Deobriga, Beleia, Suessátio, Tullónio, Alba, Uxama-Barca, lesquels, reliés aux nombreux châteaux qui couvraient tous les environs, formaient avec eux un système de défense complet et suffisaient à maintenir le pays en soumission.

En ce qui concerne la conquête arabe, la prétention des Basques paraît plus justifiée. Orduna à l’ouest, le port San-Adrian à l’est,