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destinée à se transformer complètement. Là, comme ailleurs, les nécessités de la civilisation moderne ont commencé à porter la pioche jusque dans les vieux quartiers ; on nivelle les pentes, on élargit les rues, on remplace les sombres boutiques et les appartemens ténébreux par d’élégans magasins et des maisons aux gais balcons. N’était la guerre qui a retardé tous les travaux, la municipalité n’eût pas différé plus longtemps certaines améliorations jugées indispensables, mais qui changeront d’autant la physionomie de la vieille cité. Pour ma part, je n’y trouve point à redire : ce qu’il faut condamner, ce n’est point l’activité intelligente qui modifie, perfectionne, toujours en quête du mieux, c’est le vandalisme brutal détruisant pour détruire, sans une idée, sans un but, sans même le désir ou le pouvoir de réédifier jamais.

Comme Pampelune, Vitoria, quoique ville ouverte, a joué un rôle pendant la guerre ; profitant de la période d’inaction qui suivit la mort de Concha, les carlistes avaient étendu leurs avant-postes jusqu’à ses abords, retranchés à la hâte, si bien que vers le mois de juin 1874 elle était entièrement coupée de ses communications. Au général Quesada revient l’honneur de sa délivrance. L’ennemi, fort de 16 bataillons environ, occupait, sous les ordres de Pérula, une série de positions qui allaient de Subijana à Treviño en passant par Nauclarès ; Quesada le trompe sur ses intentions, feint de vouloir se porter vers le centre, puis, le moment venu, attaque énergiquement par la droite. A l’autre bout de la ligne, l’aile gauche des libéraux, abandonnée à elle-même devant des forces supérieures, fut quelque temps compromise : une diversion brillante, due au colonel de cavalerie Contreras, la sauva. Ce brave officier ne disposait que d’une centaine de lanciers formant un escadron de marche attaché à la division ; mais c’est là le propre de ces guerres de montagnes que les succès même les plus importans y dépendent bien moins de la proportion des forces que de l’opportunité des manœuvres. Malgré le désavantage du terrain, il sut charger avec un tel à-propos et une telle ardeur les Navarrais qui attaquaient à la baïonnette que, saisis d’une panique inexprimable, ceux-ci lâchèrent pied et prirent la fuite à travers les fondrières et les ravins, où ils s’écrasaient en tombant. Bientôt après arrivèrent à bataillons de renfort qui rétablirent les affaires. En même temps, grâce aux habiles dispositions du général en chef, Trevino était occupée presque sans coup férir ; la position de Nauclarès, tournée par la droite, tombait d’elle-même au pouvoir des libéraux : la route de Vitoria était libre ; et ce premier et glorieux avantage allait avoir sur l’issue des opérations dans le nord une importance décisive. A la paix, le vainqueur a été nommé maréchal ; il s’était déjà fait connaître au Maroc par ses qualités de prudence et de sang-froid,