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encore. Tout ce qui avait de la valeur a disparu, comme pour prouver une fois de plus que les conquérans et les brigands ont précédé les savans, et se sont montrés pour le moins aussi habiles qu’eux à se frayer un chemin à travers les galeries souterraines et les couloirs intérieurs. Ce qui reste suffit pour fournir d’intéressans matériaux à l’histoire des arts et à celle des rites funèbres. Ce serait toute une histoire que celle du fameux Mausolée. Devenu un type dans l’art de la construction des tombeaux, il semble dans l’antiquité porter à l’apogée le faste des sépultures. Un érudit de la fin du XVIe siècle, Guichard, donne des détails curieux et jusqu’alors inédits sur la manière dont il fut découvert par les chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, retirés à Rhodes, en cherchant de la chaux sur le territoire d’Halicarnasse. Il explique aussi la façon dont il fut, après maints dégâts, enseveli de nouveau dans sa partie supérieure. La description de Guichard est déjà faite pour inspirer la plus haute idée des recherches décoratives que renfermait ce colossal édifice, datant de plus de deux mille ans, et que les anciens classaient parmi les merveilles du monde. Outre les parties brutalement enlevées pour faire de la chaux, on s’en servit aussi pour bâtir une forteresse. Une partie pourtant de ces dernières sculptures, encastrées dans le château-fort, a survécu, et treize morceaux, plus ou moins endommagés, ont été adressés au musée de Londres. Les beaux résultats des fouilles de M. Newton, poursuivies depuis 1859, pendant plusieurs années, confirment sur cette merveille du faste funéraire les récits des historiens anciens, qu’on est trop facilement enclin à taxer d’exagération ou de mensonge. On ne peut nier que les lions, de proportion colossale, découverts d’abord, ne soient du plus beau style. On peut en dire autant de certaines autres sculptures mises au jour, des colonnes ioniques par exemple. Si l’on doit contester à titre d’œuvres de maîtres d’autres parties, comme la frise représentant le combat des Grecs contre les Amazones, on admire le magnifique morceau représentant un guerrier persan à cheval. Outre la perte du monument dans son ensemble, on regrette vivement la statue de Mausole, rompue en soixante-trois morceaux, et le fameux quadrige précipité avec la pyramide elle-même qu’il couronnait, probablement par un tremblement de terre arrivé vers le XIIe ou XIIIe siècle. N’est-il pas trop évident d’ailleurs que ce monument gigantesque de la fastueuse douleur d’Artémise excédait les bornes légitimes de l’art ? On y rencontrait trois monumens au lieu d’un, un tombeau, un temple, une pyramide. Comme art, on trouve, à côté de très belles parties qui proviennent du grand sculpteur Scopas, qui dirigea les travaux de décoration avec d’autres artistes habiles, tels que Léochorès, Bryasis, Timothée et Pythis, d’autres parties d’une inspiration et d’une