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mariage. Tous les incidens qui préparent sa victoire, il les raconte dans le plus grand détail, tant il tient à prouver la loyauté de sa conduite, et cette démonstration est irréfutable ; mais sur les conséquences de cette victoire, sur les effets qu’il aurait dû prévoir et qu’il n’a pas prévus, sur les-irritations qu’il a soulevées, sur les intérêts qu’il a compromis, sur les ruines qu’il a faites, c’est à peine s’il y a une allusion de quelques lignes.

Il n’ignorait pas cependant les faits très graves, plusieurs même très douloureux, qui sont mêlés à cette histoire des mariages espagnols. Quoi ! pas un mot de ce qu’a souffert le roi Louis-Philippe ! pas un mot des sentimens, fondés ou non, de la reine Victoria ! pas un mot de ces justifications que le roi des Français se croit obligé d’adresser à la reine d’Angleterre par l’entremise de sa fille, la reine des Belges ! pas un mot des critiques, des plaintes, j’allais dire des gémissemens, qui échappent à des membres de sa famille, dans l’intimité des confidences fraternelles ! Si l’illustre homme d’état ignorait ces détails en 1846, il n’a pu les ignorer en 1848 ; il les a connus certainement après que les papiers trouvés aux tuileries ont été brutalement mis au jour, et comme il n’a écrit ses Mémoires que bien des années plus tard, ç’a été de sa part une fâcheuse inspiration de supprimer un pareil épisode. Quelle que soit l’origine de certains documens, il ne sert de rien de les dédaigner ; un jour peut venir en effet où les pages suspectes sont reprises par des chercheurs studieux, et, contrôlées, rectifiées, complétées, entrent dans les archives de l’histoire. L’histoire avait le droit de les tenir en défiance tant qu’elle ne les trouvait que dans la Revue rétrospective de 1848 ; peut-elle les traiter avec le même mépris, quand elle les rencontre dans les notes de l’homme qui fut si longtemps le conseiller et l’ami de la reine Victoria ? Évidemment non. Voici donc tout un portefeuille qu’elle réclame.

La première de ces lettres royales est signée de la reine Marie-Amélie. Le 8 septembre 1846, deux jours avant la célébration du mariage du duc de Montpensier avec l’infante dona Luisa-Fernanda, la reine des Français, sur la demande du roi évidemment, écrivait à la reine d’Angleterre :


« Madame,

« Confiante dans cette précieuse amitié dont votre majesté nous a donné tant de preuves et dans l’aimable intérêt que vous avez toujours témoigné à tous nos enfans, je m’empresse de vous annoncer la conclusion du mariage de notre fils Montpensier avec l’infante Louise-Fernande. Cet événement de famille nous comble de joie parce que nous espérons qu’il assurera le bonheur de notre fils chéri, et que nous