Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/337

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de temps en temps l’offre de son Cobourg, et que le roi Léopold, en effet, n’y avait pas encore renoncé. Il tenait la chose, lui, Bresson, de Bulwer lui-même, à qui sur-le-champ il avait répondu en ces termes : « Quand lord Ponsonby, il y a treize ans, a essayé de pousser au trône de Belgique le duc de Leuchtenberg, j’ai fait élire en quarante-huit heures le duc de Nemours. Je puis assurer le roi Léopold ou tout autre qu’il ne m’en faut ici que vingt-quatre pour faire proclamer le duc d’Aumale. » La reine-mère, qui souhaitait si vivement cette solution-là, ne fut point choquée de l’assurance un peu bien hautaine du diplomate : « Il ne vous en faudrait pas tant, lui répondit-elle avec gaîté, et si je savais que ce fût le moyen d’arriver à mon but, moi aussi je pousserais le Cobourg. » Est-ce la confidence de M. Bresson qui suggéra cette tactique à Marie-Christine ? Est-ce le sentiment personnel de la jeune reine, un secret dépit de voir les princes d’Orléans tenus à l’écart par le refus obstiné de leur père, un certain désir de se venger en se tournant avec plus ou moins de sincérité vers le candidat de Windsor, — est-ce tout cela qui détermina la conduite de la reine-mère ? La vérité est que pendant ces deux années (1844-1845) il lui arriva sans cesse de pousser le Cobourg.

Sir Henry Bulwer ne négligeait aucune occasion d’exploiter ces sentimens divers. Le dépit de la reine, le mécontentement de Marie-Christine, l’orgueil espagnol blessé, le parti français découragé, la combinaison napolitaine de plus en plus impopulaire, c’étaient là autant d’armes qu’il maniait avec prestesse pour frayer le passage au prince de Cobourg. Au milieu de toutes ces intrigues, Louis-Philippe eut une inspiration heureuse. C’est en novembre 1844, au plus fort de la négociation relative au comte de Trapani, qu’il fit entrevoir pour la première fois à M. Bresson un projet de mariage entre le duc de Montpensier et l’infante dona Luisa-Fernanda. Le moment était bien choisi. Le mariage du duc d’Aumale avec la princesse Marie-Caroline de Naples avait dû évidemment porter un coup pénible à Marie-Christine ; il était facile de prévoir qu’elle allait se rejeter plus que jamais vers l’Angleterre et le prince de Cobourg. Pour prévenir de sa part une résolution désespérée, rien de mieux que cette candidature du duc de Montpensier à la main de l’infante. La combinaison répondait à tout. Louis-Philippe n’abandonnait pas son principe ; l’idée souriait au jeune duc et la reine y donnait son entier assentiment. Enfin ! pensait-elle, nous cessons de nous heurter à ce refus inflexible du roi des Français ! Le jour où le général Narvaez lui parla de ce projet, elle s’écria : Por l’amor de Dios, que no deja escapar este principe ! (Pour l’amour de Dieu, ne laisse pas échapper ce prince !) — Elle eût voulu mieux encore assurément, elle eût voulu le duc de Montpensier