Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/332

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus apparente que réelle, lord Aberdeen, chef du foreign office, s’accommoda de la situation nouvelle et ne ressentit que plus vivement le besoin de resserrer les liens d’amitié avec la France. M. Guizot croit même trouver la trace de ce sentiment dans la visite toute spontanée que la reine Victoria et le prince Albert firent au château d’Eu en 1843.

S’occupa-t-on au château d’Eu du mariage de la reine d’Espagne ? Lord Aberdeen accompagnait la reine Victoria ; le roi des Français et la reine d’Angleterre, lord Aberdeen et M. Guizot eurent-ils occasion d’échanger leurs idées à ce sujet ? Il paraît bien qu’il n’en fut question que très sommairement. Louis-Philippe renouvela ses déclarations en ce qui concernait la candidature de l’un de ses fils, et tout en resta là. On n’en parla point davantage l’année suivante, lorsque Louis-Philippe, accompagné du duc de Montpensier, alla rendre aux augustes hôtes de Windsor la visite qu’il avait reçue. Ce fut seulement en septembre 1845, pendant le second séjour de la reine Victoria et du prince Albert au château d’Eu, qu’il y eut un échange de bonnes paroles touchant le mariage du duc de Montpensier avec l’infante d’Espagne, sœur de la reine Isabelle. Lord Aberdeen s’en entretint tour à tour avec le roi et avec M. Guizot. Fidèle à son plan de conduite, le roi déclara que le duc de Montpensier n’épouserait pas l’infante avant que la reine fût mariée et eût donné le jour à un enfant ; lord Aberdeen déclara de son côté que le gouvernement anglais ne soutiendrait, comme prétendant à la main de la reine, aucun prince étranger à la maison de Bourbon, d’où il résultait que toute candidature de ce genre, particulièrement et expressément celle du prince Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha, était écartée d’une façon absolue.

Voilà, ce semble, une situation très nette et, d’une part comme de l’autre, des engagemens très précis. Eh bien, c’est précisément l’heure où l’imbroglio se complique. Il y faut regarder de près pour ne pas s’égarer dans ce dédale. Oh ! si l’on se contente d’un examen superficiel, rien de plus simple en apparence ; la cause est facile à juger. Le roi Louis-Philippe a promis que son fils, le duc de Montpensier, n’épouserait pas l’infante dona Fernanda avant que la reine Isabelle fût mariée et que de ce mariage fût né un fils ou une fille. Or le duc de Montpensier a épousé l’infante le jour même où la reine a épousé son cousin le duc de Cadix. Évidemment le roi Louis-Philippe a manqué à sa parole. Prenez garde, l’affaire n’est pas si limpide. L’engagement était synallagmatique, comme dit la langue du droit. Le gouvernement anglais a-t-il tenu la promesse de lord Aberdeen ? a-t-il écarté tout prétendant à la main de la reine qui ne fût pas un descendant de Philippe V ? a-t-il eu soin particulièrement de tenir à l’écart le prince Léopold de