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coutumes, civilisation, de ce peuple nouveau, dont les uns ont fait le type achevé du progrès moderne, dont les autres accusent la corruption : et prédisent la ruine prochaine, que l’on accable de louange et de blâme également peu mérités, et que l’on juge sans le bien comprendre.

Les chiffres donneront une idée de ce qu’est l’annonce. Nous avons sous les yeux un numéro du New-York Herald, feuille quadruple dans, laquelle nous constatons huit colonnes d’articles divers, trente-huit colonnes de nouvelles télégraphiques et autres, et cinquante colonnes d’annonces, en tout quatre-vingt-seize colonnes. Notons que tout a été composé à nouveau, que pas une ligne, même des annonces, n’a paru dans le numéro de la veille et ne paraîtra dans celui du lendemain. Pour imprimer ce numéro, on a employé en tout 849,550 lettres. Le tirage a absorbé plus de onze tonnes ; de papier. La composition seule a coûté 600 dollars. Joignons à cela le traitement des rédacteurs et des correspondans, celui des plieuses et des vendeurs, le coût des télégrammes de toutes les parties de l’Union, les dépêches d’Europe à 11 fr. par mot, et on se rendra compte de cette immense machine qui s’appelle le New-York Herald. Le Times de Londres est loin d’en approcher, et pourtant il publiait il y a peu d’années l’avis suivant : « Notre édition d’aujourd’hui se composera de 24 pages. Il y a cinquante ans, nos annonces s’élevaient à 150 par exemplaire, aujourd’hui elles atteignent 4,000. » Les chiffres que nous relèverons plus loin constateront combien l’Angleterre est dépassée par les États-Unis tant par le nombre des journaux que par l’importance de leur tirage.

Bennett fut également le premier à signaler le conflit inévitable qui se préparait entre les états du nord et ceux du sud, et à résister à la pression exercée par les hommes politiques du parti républicain pour déterminer la crise. La guerre déclarée, il organisa immédiatement dans ses bureaux un bureau spécial du sud où se dépouillaient les journaux, les dépêches, les lettres de ses correspondans répartis dans les différens états confédérés. Il affecta aux dépenses de ce travail une somme de deux millions cinq cent mille francs, et débuta par donner une liste exacte des différens corps d’armée du sud, avec leurs forces en cavalerie, infanterie, artillerie, l’indication précise de leurs dépôts, les noms des commandans et officiers. Les détails étaient si précis que ses ennemis l’accusèrent d’avoir des intelligences dans le camp ennemi. Rappelant habilement son opposition à la guerre, sa partialité apparente pour le sud, on insinua qu’il continuait par cet exposé formidable à soutenir la cause de l’esclavage et à trahir le nord ; mais où le déchaînement ne connut plus de bornes, ce fut deux jours après la fatale