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dont se trouvent chargées l’atmosphère et les eaux destinées à l’alimentation. L’épidémie de fièvre typhoïde qui a sévi à Paris l’automne dernier a fourni l’occasion de quelques recherches préliminaires de ce genre dont les résultats ont été communiqués par M. Marié-Davy à l’Académie des sciences. Ces expériences ont été instituées notamment dans la caserne du Prince-Eugène, que l’administration de la guerre avait fait évacuer pour l’assainir. L’eau d’une rosée artificielle, recueillie par M. Miquel dans l’infirmerie, qui était inhabitée depuis plusieurs jours, fut trouvée très pure ; mais en grattant le parquet de cette infirmerie et celui des chambres des divers étages, on en détachait une poussière noirâtre qui, délayée dans de l’eau, montrait une multitude de vibrions filiformes à mouvement ondulatoire lent, et des points vibrans qui se déplaçaient avec rapidité. Les pierres d’appui des fenêtres de certaines salles ont particulièrement donné une récolte abondante d’algues microscopiques, de vibrions, de bactéries et de monades. Il est clair que, pendant l’habitation par la troupe, ces poussives, soulevées par le frottement des pieds et par d’autres causes, ont dû se mêler à l’air respiré, aux alimens, aux boissons. On a trouvé des vibrions semblables, en assez grande quantité, dans quelques-unes des maisons actuellement en cours de démolition pour le passage du boulevard de l’Opéra. Le sol de certains quartiers de Paris en renferme aussi, mais en quantité beaucoup moindre; on n’en a encore trouvé aucune trace dans le sous-sol, et les chambres de l’observatoire de Montsouris en sont également exemptes, « Il semblerait assez probable, dit M. Marié-Davy, que l’épidémie, cantonnée dans certains quartiers de Paris et notamment dans la caserne du Prince-Eugène, est due à l’influence toute locale des poussières vivantes, accumulées pendant l’été sur le sol et les murs, et produisant leurs effets morbides lorsque le changement de saison a rendu les conditions favorables. Cette simple probabilité suffirait pour indiquer les précautions à prendre dans les casernes : substitution, dans le blanchiment des murs, du lait de chaux au blanc d’Espagne lié par la colle-forte, lavage des parquets, au moins une fois par mois, au savon noir et à la brosse, ou mieux encore, remplacement graduel des parquets par du bitume qu’on peut laver chaque jour en été, » Mais ce n’est là encore qu’une première indication que des recherches plus approfondies permettront de préciser. L’importance que de pareilles recherches présentent au point de vue de l’hygiène n’a pas besoin d’être démontrée; contentons-nous d’applaudir aux efforts qui ont été faits, et souhaitons qu’ils soient encouragés comme ils le méritent.


R. RADAU.


Le directeur-gérant, C. BULOZ.