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que leurs transports atteignent le plus bas prix possible. La limite minima de ce tonnage utile et économique exige un tirant d’eau de 3 mètres ou de 2m, 5 au moins. C’est en effet la profondeur que l’on veut maintenir dans la Seine entre Paris et la mer. La réalisation d’un tel programme ne saurait être partielle; l’application doit en être également faite au Rhône, pour arriver à une homogénéité complète de nos voies et les rendre accessibles aux bateaux du même type. Or les partisans les plus acharnés des endiguemens du Rhône confessent l’impuissance de leur système à assurer un tirant d’eau dépassant 1m,60 en basses eaux. Ils ne sauraient donc continuer la fondation de leurs digues insuffisantes.

En second lieu, l’économie sans rivale qui est à réaliser dans les transports ne peut se prêter à des transbordemens coûteux et toujours funestes aux marchandises. Lorsqu’un chaland viendra dans les docks de Marseille accoster un grand steamer de la Chine ou des Indes pour charger les balles de soie et de coton, il devra les transporter sans rompre charge jusqu’à Lyon, Mulhouse et Bâle. Il faudra qu’il puisse partir à heure dite, comme un train de chemin de fer, sans se préoccuper de la houle et des vents, sans courir les risques fréquens d’une navigation côtière. Or, en conservant le Rhône dans le réseau des voies navigables intérieures, on n’assurerait ni ces facilités ni ces sécurités au mouvement commercial. Les communications entre Marseille et les bouches du fleuve sont fort pénibles même en été; elles deviennent réellement dangereuses dans les mauvais temps d’hiver. Dans tous les cas, le type de navires agiles, qui seuls sont aptes à cette traversée, ne convient pas parfaitement aux transports par canaux; leur emploi impliqua le plus souvent un transbordement opéré à Arles.

Ces considérations ne permettent guère de songer à relever le niveau des eaux du Rhône au moyen de barrages mobiles. Du reste, aucun fleuve de cette importance n’a encore été ployé à cette servitude des barrages, même avec les ingénieuses dispositions adoptées pour supprimer promptement ces obstacles en cas de crues rapides. Il y aurait donc de grands risques à tenter un tel essai, qui n’assurerait même pas la sécurité et la régularité de nos communications par eau. L’amélioration de la Seine au moyen de barrages est au contraire opportune à tous les égards. Le fleuve s’y prête lui-même par son régime assez régulier, par sa pente peu rapide, par son fond assez résistant. Sa position est aussi des plus heureuses : baignant Paris, il passe à Rouen dans un grand foyer de travail et d’activité ; enfin il débouche au Havre dans le courant commercial universel. En se ramifiant à la Seine, le réseau intérieur des voies navigables est mis en relations directes avec l’entrepôt de la Manche, de la mer du Nord et de tout l’Océan, il pénètre tout