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règlemens établis et qu’elle y introduit seulement une latitude dont l’expérience démontrera l’utilité. Nous souscrivons à ces justes déductions, sauf sur un point. Parmi les examens ainsi modifiés, il met aussi le baccalauréat ès-lettres et ès-sciences. Je crois que ces examens, qui appartiennent à l’enseignement secondaire, doivent rester étrangers au projet. L’auteur dit que « la règle des deux cours donnera aux facultés des lettres et des sciences un auditoire tout nouveau, pris sur les 15,000 jeunes gens qui se présentent chaque année aux deux baccalauréats. » Ce seul chiffre eût dû lui montrer le danger qu’il y aurait à introduire subitement dans les salles de cours de nos facultés un public qui, au lieu de relever l’enseignement supérieur, l’écraserait sous une charge qu’il n’est pas préparé à recevoir. Mais, dans le programme de la licence, et plus encore dans celui du doctorat, une place faite aux aptitudes spéciales des candidats sera sans danger. Par la règle des deux cours, nous rectifierons peu à peu l’idée qu’on doit se faire de ces épreuves finales, qui, tout en exigeant un fonds de connaissances indispensables, doivent déjà inviter le jeune homme à essayer ses forces et à déployer son initiative. Ajoutons qu’une relation plus étroite entre les facultés est depuis longtemps le but poursuivi par nos ministres : il y a déjà 25 ans que les étudians en droit sont obligés de s’inscrire à deux cours de la faculté des lettres. La mesure proposée ne ferait donc que consacrer et assurer par un contrôle efficace ce qui est resté jusqu’à présent une simple perception fiscale. Ne perdons pas de vue que, sans quelque mesure de ce genre, le renom des plus éminens professeurs ne suffira pas pour attirer des étudians à qui la fréquentation des cours n’apporterait aucun avantage effectif. Je recommande aux réflexions du lecteur les lignes suivantes de M. Gabriel Monod : « J’ai suivi pendant une année un cours de droit historique professé au Collège de France par un savant de premier ordre. Je pensais que parmi les 3,000 étudians en droit, il y en aurait bien une centaine désireux de profiter de cette occasion unique de compléter leurs études. Il n’en était rien. Nous étions une soixantaine d’auditeurs, sur lesquels il y avait tout au plus dix jeunes gens, dont quatre prenaient des notes; le reste de l’assistance se composait de dix dames, de dix hommes d’âge mûr, et d’une trentaine de vieillards. »

C’est ici le lieu de rappeler qu’une source à laquelle s’alimentent les cours des lettres en d’autres pays a été détournée. A l’étranger, les étudians en théologie se mêlent aux étudians en lettres, avec lesquels, par la nature de leurs occupations, ils ont de nombreuses affinités. On sait quelle place les jeunes clergymen occupent dans les universités anglaises; mais en France les futurs prêtres