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professeur titulaire, ces pièces d’or sont la représentation effective et non contestable d’un nombre égal d’élèves : là est le mérite, là est l’honneur professionnel. Pour le maître de conférence et pour le docteur libre, ces mêmes pièces d’or représentent en outre la lutte à conditions égales avec le titulaire, le succès obtenu et l’espoir d’une position plus haute. Enfin pour l’élève, elles représentent le droit, qui lui est reconnu, de mettre à contribution le savoir et le dévoûment de ses maîtres.

Tous ceux qui se sont occupés de ces questions sont d’accord pour expliquer par la présence des docteurs libres l’activité infatigable qui règne dans les universités allemandes. Il est intéressant de recueillir à ce sujet le témoignage d’un professeur titulaire, d’un doyen, d’un recteur de l’université de Berlin; voici en quels termes il parle de ses jeunes collègues : « Le double caractère du savant et du professeur ne se montre nulle part aussi vivace et aussi net que chez ces jeunes gens qui, sans mandat officiel, mais poussés par la vocation intérieure, avec des profits médiocres ou nuls, et ayant souvent à combattre contre les difficultés de la vie, animés par l’amour de la science et par le goût de l’enseignement, ne comptent que sur leurs propres forces pour participer et pour travailler à l’œuvre de l’université. En eux est le vrai levier de nos écoles, qu’on a retiré là où l’on ne voulait pas le progrès, et qu’on a dû remettre partout où, sous l’aiguillon de la concurrence, on a voulu rappeler le mouvement et la vie. Avec chaque jeune homme qui entre dans l’enseignement, se réveille et se répand par toute la corporation le sentiment de l’objet idéal de la science, et même les plus anciens ne peuvent s’empêcher de ressentir l’effet de ce stimulant[1]. »

A la situation de ces docteurs libres, qui entrent dans l’université le front haut, avec le sentiment fortifiant de la lutte et avec la conscience d’apporter à l’enseignement quelque chose de nouveau, qu’on veuille bien comparer la situation de nos suppléans, de nos chargés de cours, obligés d’attendre que la maladie ou la mort fasse une trouée dans le personnel, et contraints d’adapter justement leurs leçons à la lacune qui vient de se déclarer dans les programmes! Le système allemand est celui que suit la nature, qui n’attend pas que l’ancienne génération soit couchée dans le tombeau pour laisser se montrer la nouvelle. De cette façon, l’ardeur des années créatrices n’est point perdue, et l’on ne voit pas arriver à l’enseignement des hommes inexpérimentés, quoique vieux, et déjà fatigués par une longue et stérile attente. Le recrutement du

  1. A. Trendelenburg, Die überkommene Aufgabe unserer Universität.