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sur les matières enseignées par eux dans des cours payans. Dès lors l’étudiant trouvera à sa disposition, sur telle matière qu’il a le désir d’apprendre, non pas un cours, mais deux ou trois, entre lesquels il pourra choisir, à moins qu’il ne préfère les suivre tous. Si un professeur vient à faiblir, l’étude qu’il représente sera soutenue par d’autres. Des spécialités que le ministère n’a pu prévoir se produiront, car il n’y a pas au monde deux esprits semblables, et une même matière, librement professée par deux hommes, prendra dans leurs cours un aspect tout différent : personne n’a plus à profiter à cette variété que le professeur titulaire, car au contact de ses collègues, qui suivent dans un autre esprit la même direction, il sent mieux ses propres aptitudes et sa propre originalité. Si des découvertes nouvelles se font, elles ne tarderont pas à trouver une place dans l’enseignement, et quelquefois c’est l’auteur même de la découverte qui viendra, comme docteur libre, la faire connaître à la jeunesse et en poursuivre avec eux les conséquences. Les professeurs ne seront plus confinés dans la spécialité pour laquelle le ministre les a choisis, mais si quelque travail récent les en a fait sortir, ils peuvent annoncer un cours accessoire sur ce sujet dont ils sont encore pleins : il arrivera que les étudians, s’entendant entre eux, prieront le docteur libre, ou le maître de conférence, ou le professeur titulaire, de leur délivrer, sur telle matière qui les intéresse et dont ils savent qu’il s’est occupé, une suite de leçons extraordinaires. Ainsi font à Paris les jeunes sculpteurs quand, voulant recevoir les leçons de quelque artiste, ils lui adressent une demande qui, d’après un ancien et louable usage, n’est jamais refusée. Combien de richesses intellectuelles paraîtront au jour qui, par une organisation imparfaite de l’enseignement, restent cachées, ou ne se montrent qu’incidemment, et dans les livres !

On trouvera peut-être que nous exagérons l’efficacité du système de la rétribution, qui la plupart du temps ne procurera que des sommes assez modiques, et qui, en supposant même d’assez forts émolumens, ne doit pas avoir tant de prise sur des esprits habitués à des visées plus hautes; mais ce serait se tromper que de chercher dans l’attrait du lucre le véritable moteur du système. On prouverait autant de connaissance du cœur humain en supposant que l’Académie française doit chez nous son prestige aux 1,200 francs qu’elle accorde à ses membres. Nous voyons en Allemagne des professeurs largement appointés, et quelquefois pourvus en outre d’une fortune personnelle, annoncer deux ou trois cours sur des matières qui peuvent attirer tout au plus une dizaine d’auditeurs, et parler avec complaisance des vingt ou trente frédérics d’or qu’ils ont touchés à la questure au bout du semestre. Pour le