Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/872

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

militaire du pays, le gouvernement et l’assemblée étaient condamnés à créer de nouveaux impôts, à augmenter les impôts existans, à explorer les différentes sources de revenu, et l’obligation de subvenir à des besoins aussi urgens les dispensait de s’arrêter aux objections purement économiques dont il est si facile de se prévaloir contre toutes les catégories de taxes. L’impôt des douanes devait donc figurer en première ligne dans le plan du nouveau budget, et ce fut sans difficulté que l’on augmenta immédiatement les droits sur les denrées de grande consommation, sucres, cafés, etc., qui devaient produire d’abondantes recettes. Les embarras se manifestèrent lorsqu’il fut question de toucher au tarif des matières premières et des produits fabriqués. Il était en effet impossible de donner suite à ces propositions sans porter atteinte aux traités qui nous liaient avec les puissances étrangères. Le gouvernement espéra qu’il ferait disparaître cet obstacle en dénonçant les traités conclus avec l’Angleterre et avec la Belgique; mais les autres traités n’étaient point encore arrivés à la date de leur expiration, ils n’étaient résiliables que du consentement des états contractans, et l’on n’obtenait point ce consentement nécessaire. Une autre circonstance compliquait, à l’intérieur, cette situation. Bien que les projets de taxes sur les matières premières et les produits fabriqués n’eussent été présentés que sous l’apparence de mesures fiscales, on crut reconnaître qu’ils n’étaient pas exempts de préoccupations protectionistes; les opinions bien connues du président de la république, M. Thiers, et du ministre des finances, M. Pouyer-Quertier, autorisaient cette supposition, dont la réalité ne tarda pas à se montrer clairement dans le cours des débats parlementaires. On se souvient des péripéties et des émotions politiques auxquelles donna lieu, pendant la session de 1872, l’examen de ces graves questions devenues tout à la fois budgétaires, économiques et internationales. L’année suivante, à la suite de délibérations approfondies au sein du conseil supérieur du commerce, de l’agriculture et de l’industrie, on en revint au maintien des traités avec l’Angleterre et la Belgique, et l’on ajourna toute décision sur l’ensemble des tarifs jusqu’à l’époque où les différentes conventions alors en vigueur seraient régulièrement expirées, c’est-à-dire jusqu’en 1877. Nous voici arrivés à cette date. Le gouvernement et les assemblées législatives auront donc à se prononcer, dans la présente session, sur le régime des traités et sur les conditions générales du tarif des douanes.

La première question à décider est celle de savoir s’il y a nécessité ou profit à régler les conditions du commerce extérieur au moyen d’actes diplomatiques, ou s’il ne vaudrait pas mieux que chaque pays, en conservant sa pleine liberté pour sa législation