Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/822

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LES
POISONS DE L'INTELLIGENCE

I.
L’ALCOOL. — LE CHLOROFORME.


I.

Rien n’est plus instructif pour la connaissance des phénomènes de la vie que l’étude des troubles produits dans les fonctions organiques par les divers poisons. A vrai dire, le sens de ce mot poison doit être singulièrement élargi : un poison n’est pas, comme on serait tenté de le croire d’après l’usage vulgaire du mot, une substance toujours mortelle et funeste; au contraire, presque toutes les substances médicamenteuses sont toxiques, et réciproquement. L’opium, qui est un admirable médicament, en même temps est un redoutable poison. L’alcool, qui, ingéré en petite quantité, est un stimulant salutaire à la digestion, à forte dose produit des désordres graves qui ont souvent entraîné la mort : aussi serait-on fort embarrassé, si l’on voulait séparer la classe des médicamens de la classe des poisons. M. Claude Bernard définit un poison une substance qui ne peut entrer dans la composition du sang, ni pénétrer dans l’organisme sans y causer des désordres passagers ou durables. C’est là une définition claire et formelle qui nous permettra de distinguer un poison d’un aliment. Un aliment est une substance assimilable qui doit, à un moment donné, faire partie de notre sang ou de nos tissus; un poison au contraire doit s’éliminer et disparaître, car, s’il existe dans le sang, ce n’est qu’accidentellement. Un œuf est un aliment, parce que les substances contenues