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a de même disparu, parce qu’une nouvelle route venait d’être indiquée au commerce par Colomb et par Gama. Plus tard, c’est la Hollande et l’Angleterre qui ont succédé aux Portugais et aux Espagnols. Tirons profit de ces leçons de l’histoire, et disons-nous bien qu’il ne faut pas que les conquêtes allemandes de 1866 et de 1870 soient suivies, au détriment de la France, d’une révolution commerciale analogue; en d’autres termes, nous ne devons pas permettre que l’on isole l’isthme français à l’occident de l’Europe. Pour cela, il faut lui maintenir son transit, ne pas souffrir que le Danube ou les tunnels alpins le lui ravissent, et l’un des meilleurs moyens de conjurer ce péril imminent, n’est-il pas précisément de ranimer, de compléter nos voies de navigation intérieure? Il faut achever définitivement le réseau français, de manière à y rendre le transit uniforme et régulier, et à effectuer, sans rompre charge, de très longs parcours, sur 1,000 kilomètres par exemple. Faisons au moins servir à quelque chose de profitable notre régime de centralisation, et, puisque nous sommes passés de la vie provinciale à la vie nationale, réformons, dans ce qui s’y présente de défectueux, ce que les anciennes provinces nous ont laissé. Notre système de canalisation est de ce nombre, refaisons-le sur un plan d’ensemble général.

En supposant que, sur notre principale ligne ainsi régénérée, celle du Havre à Marseille, on transporte 2 millions de tonnes par an sur un parcours de 1,000 kilomètres, et ces chiffres n’ont rien d’exagéré, l’économie réalisée serait considérable, et s’élèverait à une cinquantaine de millions de francs, comparée au même parcours par chemin de fer. Une chose en résultats si féconde, pourquoi la France ne la tenterait-elle point par le triple accord de l’opinion publique, du gouvernement et des chambres? Accroître la circulation, l’exportation de nos produits, c’est en accroître la production, c’est aussi reconstituer le capital national entamé, détruit sur beaucoup de points aux jours néfastes de la guerre allemande. N’est-ce pas là un but glorieux à atteindre, une entreprise digne des méditations de tous et des encouragemens de l’état? Aussi persistons-nous à croire que la question des transports à bon marché est, parmi toutes celles que l’on peut avoir à résoudre aujourd’hui, peut-être la plus urgente, et celle dont la solution procurerait certainement au pays le plus d’avantages matériels.


L. SIMONIN.