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jusqu’à 550 tonneaux avec un tirant d’eau maximum de 1m, 50, et les remorqueurs ou grappins qui ont jusqu’à 105 mètres de long sur 7 mètres de large et qui traînent des convois d’environ 500 tonnes avec un tirant d’eau maximum de 90 centimètres. Le nom qu’ils portent leur vient de ce qu’ils se touent eux-mêmes par une roue à l’arrière, laquelle mord sur le fond sableux du fleuve à la façon d’un grappin. Ce système original est sorti du cerveau fécond d’un ingénieur mécanicien de Rive-de-Gier, M. Verpilleux, qui n’a demandé le propulseur de ses bateaux ni à une hélice ni à une roue à palettes, mais à une sorte de roue à chevilles, dont les rais font saillie sur la jante. Cette roue, suspendue dans une fosse ouverte sur la quille à l’arrière, affleure avec le fond du fleuve. Mise en mouvement par la machine, ses rayons mordent dans les sables et les graviers du lit, et la résistance qui se produit détermine l’avancement du bateau. C’est comme si l’on s’appuyait sur le fond avec une gaffe. Malgré un certain recul dû au draguage, le point d’appui est plus fixe que celui obtenu sur l’eau au moyen des palettes qui font office de rames, et le rendement mécanique est supérieur. Ce système de remorquage est excellent à la remonte sur le Rhône, et il y a rendu un moment autant de services que le touage en rend aujourd’hui sur la Seine. A la descente, à cause de la vitesse du courant, le remorquage par grappins n’est guère possible. C’est ce qui fait que ce système a eu tant de peine à lutter contre celui des bateaux-porteurs munis de roues à palettes ou à aubes, lesquels ont marqué pour la batellerie du Rhône une époque de si grande prospérité. Avant l’ouverture du chemin de fer de Lyon à la Méditerranée, c’était le règne des grands bateaux-porteurs. Le Creusot se distingua dans la construction de ces utiles engins de transport, dans les heureuses dispositions qu’il leur donna. Ce sont eux qui, à l’époque de la disette de 1847, amenèrent rapidement et par grandes masses à la fois, du bord de la Méditerranée au centre de la France, les blés de la Mer-Noire et d’Egypte que Marseille déchargeait jour et nuit sur ses quais.

Aujourd’hui que la lutte est décidément ouverte avec la voie ferrée et que le fleuve menace d’y succomber, il faut trouver mieux que ces porteurs, que ces grappins, s’adresser peut-être au touage, de manière à abaisser le prix du fret jusqu’à 2 centimes et demi par tonne et par kilomètre. C’est la seule limite à laquelle on puisse utilement lutter avec le chemin de fer, qui peut transporter certaines matières, comme les houilles, les minerais, à 3 centimes, nous avons dit au moyen de quel subterfuge de comptabilité. Quelques ingénieurs, renonçant au touage, qu’ils jugent d’application très délicate sur le Rhône, ont fait des devis pour des bateaux de 135 mètres