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le touage. Nous ne parlons pas du halage par hommes, indigne de notre époque, qui trop longtemps a pesé sur notre navigation intérieure et rendu tristement fameux, par les grèves, les disputes, les désordres qui y naissaient à chaque instant, les « relais » de nos canaux et de la plupart de nos voies navigables.

La Compagnie de touage de la Haute-Seine est loin d’être aussi puissante que celle qui dessert le bas du fleuve. Elle n’a que des toueurs d’une force de 35 chevaux et dont le tirant d’eau est seulement de 40 centimètres. Une autre compagnie s’est établie sur l’Yonne, et l’on calcule que la longueur totale des lignes ainsi exploitées atteint environ 450 kilomètres. En Russie, en Belgique, en Angleterre, en Allemagne sur le Rhin, aux États-Unis, il existe des entreprises analogues de touage; mais aucune, sauf peut-être aux États-Unis, où les rivières et les canaux jouent toujours un si grand rôle dans les transports intérieurs, aucune n’a l’importance de celle qui fonctionne en ce moment sur la Basse-Seine. Avec ce système particulier et si ingénieux de remorquage, non-seulement les prix de traction sont abaissés, mais encore les avaries et les sinistres réduits et la durée des voyages abrégée. Au lieu de voyages qui durent des semaines, comme dans l’antique système de la batellerie, et même des mois, on peut ne faire maintenant que des voyages de quelques jours. C’est une révolution du genre de celle que la vapeur a introduite sur mer dans l’ancienne navigation à voile. Quoi qu’il en soit, n’oublions pas que c’est surtout grâce au touage que la batellerie de la Seine, et par suite celle des canaux du nord, qui aboutissent au fleuve, peuvent soutenir aujourd’hui la concurrence avec le chemin de fer. Si le touage n’est pas encore plus répandu en France, c’est presque uniquement à cause de l’insuffisance du trafic sur nos voies navigables. Nous savons d’où vient cette insuffisance. Qu’on améliore enfin nos rivières, qu’on creuse où il est nécessaire de nouveaux canaux, que tous les bassins hydrographiques communiquent entre eux, qu’il y ait partout uniformité de tirant d’eau et d’écluse, et l’on verra le fret revenir aux voies d’eau, et notre navigation intérieure se relever complètement de l’état d’affaissement et d’atonie où l’on n’aurait jamais dû la laisser tomber.


II. — LE BASSIN DU RHÔNE.

Comme étendue et comme importance, le bassin du Rhône vient immédiatement après celui de la Seine. Le Rhône, par ses affluens naturels ou artificiels, pénètre au loin dans l’intérieur des terres, contourne le massif des Alpes, peut desservir non-seulement le