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dès le préambule de son rapport. Ainsi la Moselle, la Meuse, la Marne, n’ont aucune communication avec la Saône; le Rhône reste séparé de la Loire, le bassin de la Garonne des bassins du Nord. Que dire aussi de nos rivières? Si quelques-unes, de moyenne importance, telles que l’Oise, la Marne, la Sambre, la Moselle, sont en assez bon état, les autres sont à peu près telles que la nature les a créées. Et nos fleuves, la Seine, la Loire, le Rhône, la Garonne? A-t-on fait pour eux tout ce qu’on devait, pour la Loire et le Rhône notamment, tous deux au lit mobile, au cours capricieux? Et cependant, grâce à ces fleuves, nous pourrions jouir du plus beau réseau de navigation intérieure qu’il y eût en Europe; ils arrosent et fécondent nos plus belles provinces, et donnent au cœur de la France on ne sait quoi de charmant et d’animé. Le bassin de la Seine, cette cuvette doucement arrondie qui tourne sa concavité vers la Manche, c’est le pôle en creux vers lequel tout converge, comme l’a dit si bien le géologue Élie de Beaumont. C’est là que les arts, c’est là que la civilisation ont choisi leur demeure depuis des siècles; c’est là que la France est née, c’est là qu’est son « île » et sa capitale; c’est là aussi que court notre plus belle voie fluviale, celle qui a toujours tenu la première place dans la navigation et les transports intérieurs. Elle a vu passer les nautes de César, de Julien, et bien des fois les mariniers et les pirates normands. Aujourd’hui c’est la vapeur qui pacifiquement la sillonne, et la Seine, à elle seule, entre Paris et Rouen, transporte une quantité de marchandises équivalente à plus de 1 million de tonnes de 1,000 kilogrammes pour le parcours entier, ou à 250 millions de tonnes voiturées à 1 kilomètre. C’est le huitième de tous les transports par eau qui se font en France, et le vingt-cinquième de ceux par chemins de fer.

Le réseau des voies navigables dont la Seine forme l’artère principale est non-seulement le plus considérable pour le trafic, mais encore pour la longueur. Il pourvoit à l’approvisionnement de Paris et présente, y compris l’Oise, la Marne, l’Yonne et les canaux qui en dépendent ou qui s’y rattachent, un développement de plus de 2,500 kilomètres. On peut dire que le canal de Saint-Quentin, celui des Ardennes, celui de la Marne au Rhin, ceux du Nivernais et de Bourgogne, se soudent à ce vaste réseau. L’Oise, la Marne, l’Yonne, sont navigables sur une grande partie de leur cours, mais le régime de ces rivières est très variable et capricieux. Autrefois la navigation y avait un caractère spécial. Sur la Marne, surtout à la descente, elle ne se faisait qu’aux moyennes eaux. On accumulait dans de grands bateaux dits marnois jusqu’à 400 tonnes de marchandises, du bois, du charbon de bois, et quand les échelles aux piles des ponts accusaient une profondeur d’eau suffisante, on