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victoire navale que la flotte de l’empire de Russie ait gagnée depuis neuf cents ans, il parut bien naturel de rendre au fondateur de cette marine, dans la ville qu’il avait bâtie, un hommage de la reconnaissance publique. Le lendemain donc du Te deum chanté dans l’église où cet empereur est inhumé, on a célébré en grande cérémonie, selon le rite de la vraie église catholique grecque, un service pour le repos de son âme; mais, avant qu’il commençât, l’évêque de Tver prononça le sermon que la princesse Dachkof vous a donné, à l’honneur de l’âme et du génie de Pierre Ier. Il n’y eut personne qui ne donnât ce jour-là des marques de sensibilité et de reconnaissance pour la mémoire de ce grand homme, et nous sortîmes de l’église tous très contens les uns des autres. J’ai regretté seulement que l’étendard de l’empire ottoman, que les nôtres avaient arraché de dessus le vaisseau amiral turc, ait volé en l’air avec notre navire l’Eutache, ce qui m’a privée du plaisir de l’étendre de mes mains ce jour-là au pied de la tombe de Pierre le Grand. »


4° une lettre de 1771, où l’on retrouve le ton habituel d’amertume contre le ministère Choiseul. « Je vois avec affliction que l’argent pour les fabricans des montres ne vous a pas encore été remis et, qui plus est, que ces pauvres gens en ont besoin. Je ne sais à quoi attribuer ce retardement, qui me peine extrêmement. J’espère que cette lettre de change n’a pas été soustraite comme celle que j’envoyai à M. Diderot un jour et qui se perdit à la poste entre Paris et la frontière de la France : toutes les autres postes avaient le paquet marqué sur leurs cartes. On croyait par-là persuader les gens que je n’avais point d’argent; mais à quoi peuvent servir des ruses aussi mesquines, si ce n’est à montrer la petitesse d’esprit et l’aigreur? L’une et l’autre ne sauraient produire ni estime, ni considération. »

5° Enfin une lettre d’août 1772, dans laquelle, entre autres nouvelles, Catherine mande à Voltaire que « Notre-Dame de Czenstochowa s’est mise à coqueter avec le prince Galitsine, » en d’autres termes que cette forteresse a capitulé.

Les passages inédits dans vingt-quatre autres lettres ne sont pas moins intéressans. La correspondance directe de Voltaire avec Catherine II doit être complétée au moyen de sa correspondance indirecte. Par exemple, lorsque dans ses lettres au prince Dmitri Alexiévitch Galitsine, alors ambassadeur de Russie à Paris, se rencontrait quelque compliment ingénieux à l’adresse de l’impératrice, l’ambassadeur ne manquait pas de les joindre aux dépêches qu’il adressait à son cousin le vice-chancelier, et celui-ci avait soin de les placer sous les yeux de sa souveraine. Dans les éditions de Voltaire, on ne connaît que cinq missives du seigneur de Ferney à Dmitri