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autographes des lettres de Catherine II; elles prouvent qu’avant d’écrire à Voltaire l’impératrice s’y reprenait à plusieurs fois, elle rédigeait d’abord un ou plusieurs brouillons, et quand elle mettait la missive au net, souvent elle supprimait des passages entiers, plus rarement elle ajoutait. Les lettres ou les parties de lettres de Catherine II, qu’on ne retrouve dans aucune édition de Voltaire, sont assez nombreuses et présentent un grand intérêt. Sur cinquante-deux minutes publiées jusqu’à présent par la Société impériale, trente ont une importance particulière: sur ces trente, six sont inédites pour plus de la moitié de leur contenu, cinq sont complètement inédites ; les autres ont toutes quelque passage inconnu, d’une étendue plus ou moins considérable. Les cinq pièces inédites, pour ne prendre que celles-là, sont : 1° une lettre qui porte simplement la date de 1765 et où se rencontre notamment un curieux passage sur la confection du nouveau code :


« Je dois rendre justice à la nation; c’est un excellent terrain, sur lequel une bonne graine prend bien vite; mais il nous faut aussi des axiomes incontestablement reconnus pour vrais. Quand la traduction française du nouveau code sera achevée, je prendrai la liberté de vous l’envoyer, et vous verrez que, grâce à de pareils axiomes, cette pièce a obtenu le suffrage de ceux pour qui elle était composée. J’ose tout augurer de la réussite de cet important ouvrage, vu la chaleur dont chacun est rempli pour sa confection. Je pense que vous vous plairiez au milieu de cette table où l’orthodoxe, assis entre l’hérétique et le musulman, écoutent tous les trois paisiblement la voix d’un idolâtre et se concertent souvent tous les quatre pour rendre leur avis supportable à tous. Ils ont si bien oublié la coutume de se griller réciproquement, que, s’il y avait quelqu’un d’assez mal avisé pour proposer à un député de bouillir son voisin pour plaire à l’Être suprême, je réponds pour tous qu’il n’y en a pas un seul qui ne répondrait]: ail est homme comme moi, et selon le premier paragraphe de l’instruction de sa majesté impériale, nous devons nous faire le plus de bien possible, mais aucun mal. » Je vous assure que je n’avance rien et qu’à la lettre les choses sont ainsi que je vous le dis : s’il le fallait, j’aurais 640 signatures qui témoigneraient de cette vérité, celle d’un évêque en tête. »


2° une lettre de 1770, où Catherine rend compte de quelques succès de ses armées ;

3° une lettre de juin 1771, où elle se moque du roi d’Espagne qui aime mieux laisser mourir ses enfans que de les faire inoculer, et où elle raconte les honneurs qu’elle a fait rendre à Pierre le Grand, à l’occasion de la destruction de la marine turque à Tchesmé :


« Après une bataille aussi signalée que celle de Tchesmé, la première