Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

spécialités, la marine, l’artillerie de marine. Chacun d’eux a aussi son matériel distinct qu’il fabrique, administre et met en œuvre ; mais comme il importe que ce matériel soit uniforme, ou plutôt qu’il n’y ait qu’un seul et même matériel, la commission mixte de défense des côtes, commission permanente composée, comme on sait, de membres choisis dans les deux services de terre et de mer, serait investie des pouvoirs nécessaires pour établir et maintenir cette uniformité.

Comme l’armée, la marine est l’objet de la sollicitude du pays, elle est en même temps l’objet d’une sympathie dont elle a conscience, dont elle est fière, et qu’elle paie en dévoûment ; mais la marine est moins connue que l’armée, son mode de recrutement n’est pas le même, son action s’exerce au loin, la force des choses la met en communion moins directe, moins interne avec le pays, — et nous voudrions, cette ambition nous sied mal, contribuer à la faire connaître. Nous nous sommes donc efforcé, en traitant ici une question d’une spécialité presque technique, de présenter cette question sous une forme propre à en rendre l’accès plus large et plus facile. Nous avons essayé aussi d’appeler l’attention sur la défense de la frontière maritime, sur le rôle de la marine dans cette défense et sur la place qu’elle y occupe. Ce rôle, nous le résumons dans une formule concise et saisissante en disant : la flotte maîtresse de la mer, c’est non-seulement la sécurité de la frontière maritime assurée, aussi bien que celle de l’Algérie et des colonies, c’est encore 100,000 hommes de plus à la frontière de terre.

D’un autre côté, l’importance de la marine, en dehors de toute autre cause, s’est accrue par le fait des changemens survenus dans l’assiette politique de l’Europe : il n’y avait en Europe que deux puissances maritimes, il y en a cinq aujourd’hui, sans compter la marine de l’Autriche[1] et celle de l’Espagne. Et, dans le cours de cette étude, on s’est appliqué à faire voir par quels efforts et quels sacrifices les nouveaux venus à la puissance navale en poursuivent à l’envi le développement. Sachons bien que c’est au prix des mêmes efforts et des-mêmes sacrifices, à ce prix-là seulement, que nous pourrons nous maintenir au rang que notre pays a occupé et qu’il occupe encore parmi les puissances maritimes.


V. TOUCUARD.

  1. Il n’entrait pas dans le cadre de cette étude d’examiner l’état défensif de la frontière maritime de l’Autriche ; mais, puisque nous sommes conduits à mentionner ici la marine austro-hongroise, qu’il nous soit permis d’ajouter que nos rapports fréquens avec elle ont fait naître chez nous autant de respect que de sympathie. La marine qui a produit l’amiral Tegethoff, le vainqueur de Lissa, n’est pas à dédaigner ; elle a droit au respect de tous les hommes de mer.