Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/47

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne comprendrait-il pas aussi des spécialités? Pourquoi ce grand service de l’artillerie ne se partagerait-il pas en trois spécialités, artillerie de campagne, de côte et de forteresse? Si le régime actuel concernant la durée du service a rendu plus difficile la tâche d’instruire nos jeunes soldats, il semble que le partage en spécialités devrait être la conséquence de ce régime.

Dans cet ordre d’idées, une partie du corps serait affectée au service des côtes, soit par exemple, pour préciser notre pensée, trois régimens : un pour les côtes de la Manche, un autre pour les côtes de l’Océan, et le troisième pour celles de la Méditerranée. Chacun de ces trois régimens serait stationné sur la portion du littoral dont la garde lui est confiée, et occuperait les positions centrales, par exemple le Havre et Saint-Malo, Nantes et Bordeaux, Cette et Antibes. L’armée territoriale fournirait le complément d’hommes nécessaires au service des pièces, en même temps que les compagnies de soutien. Il suffirait ici d’une disposition renouvelée de nos anciennes ordonnances sur le guet de la mer.

Cette solution, que nous ne faisons qu’indiquer, semblerait satisfaire à deux conditions essentielles : d’une part, assurer à la défense de la frontière des moyens d’action proportionnés à son importance, et d’autre part, laisser à la marine la disposition de son personnel. Croit-on qu’une guerre survenant, la marine ne trouverait pas l’emploi de tout ce personnel? l’emploi de tous ces canonniers brevetés qu’elle a formés à grands frais et à grand’peine ? de tous ces fusiliers qui apportent dans nos équipages un précieux appoint de force physique et d’instruction spéciale? La tâche qui lui est confiée est assez vaste, assez compliquée, sa responsabilité est assez lourde. C’est d’abord la guerre sur mer, sur toute l’étendue des mers et la défense par mer de la frontière maritime. C’est encore la défense de toutes les colonies, sauf l’Algérie et celle des arsenaux maritimes. Cette tâche réclame de l’officier de marine toute son application, tout son temps et toute son intelligence : elle réclame en même temps l’expérience que la pratique de la mer, une longue et incessante pratique peut seule donner et que rien ne supplée; on n’est officier de marine qu’à condition de posséder cette expérience. Ne demandez donc pas à l’officier de marine une instruction, ne lui imposez pas des devoirs qui seraient en dehors de son domaine déjà si étendu; il est officier de marine, gardez-vous de vouloir faire de lui un officier d’artillerie de côte.

On a vu que la défense de la frontière maritime est partagée entre les deux départemens militaires : à la marine, les cinq arsenaux maritimes et les colonies; à la guerre, tout le reste du territoire continental et l’Algérie. Chacun d’eux a son personnel distinct, la guerre son artillerie de côtes (en supposant admis le principe des