Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/461

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suffisent à réparer toutes les fautes ; chez vous, la mise au pilon n’est pas de trop pour en effacer les traces, et vous avez vraiment joué de malheur en vous trouvant réduits à appliquer ce procédé peu scientifique aux monumens de votre propre histoire, que vous devez connaître mieux que personne.

Nous sommes vos rivaux dans le présent, quand nous ne sommes pas vos maîtres. Voyez nos contemporains, ceux que nous avons perdus d’hier et ceux qui sont encore parmi nous. Vous avez cent fois réveillé dans leur tombe les mérovingiens et les carlovingiens. Il n’est pas une ligne des Capitulaires sur laquelle vous n’ayez fait au moins une brochure. Vous avez disserté sans fin avec MM. Waitz, Luden, Pertz, Zinkeisen, Bonnell, Schoene, Léo, Philipps, Roth, etc., sur les maires du palais. Avez-vous fait faire à la question un pas décisif ? Vous avez passé votre temps à vous critiquer les uns les autres, à démolir vos systèmes, et, comme vous avez au plus haut degré la faculté de l’obscurcissement, nous sommes encore à chercher, quand nous vous avons lus, ce que vous pensez en définitive des maires du palais. En avons-nous appris par vous, sur les temps mérovingiens, plus que nous n’en savions par MM. Guizot, de Pétigny, Lehuërou ? Sans parler de Mabillon, qui date déjà de bien loin, nous vous demanderons si vous pouvez nous indiquer, à Berlin ou ailleurs, un érudit dont les travaux en diplomatique, en paléographie, en chronologie, puissent effacer ceux de M. Léopold Delisle. Vos éditions transrhénanes de la loi salique et des Formules de Marculfe font-elles oublier celles de MM. Pardessus et de Rozière ? Le travail si court pourtant de M. Guérard sur les divisions territoriales de la Gaule a-t-il été dépassé ? MM. Letronne, Charles Lenormant, de Saulcy, Léon Renier, Jules Quicherat, de Longperrier, Duchalais, ont-ils à redouter la comparaison avec vos archéologues, vos numismates, vos épigraphistes ? En philologie grecque et latine, avez-vous un helléniste plus savamment attique que notre illustre Boissonade ? Parmi vos docteurs d’Heidelberg ou de Bonn, en est-il un seul qui ait produit une œuvre d’une latinité aussi exquise que le petit poème de M. Rossignol, de Vita scolastica, que l’on croirait écrit par un Romain du temps d’Auguste ? Nous cherchons en vain parmi vos récentes éditions classiques laquelle vous pourriez opposer à celle de Nonius Marcellus, publiée en 1872 par M. L. Quicherat ; personne, dans vos fameuses universités, n’a établi avec plus de correction et de sagacité divinatrice des textes plus profondément altérés, et vous chercheriez en vain dans les bibliothèques de vos gymnases un meilleur lexique que le Thésaurus linguæ poeticæ ? Malgré le discrédit où sont tombés chez nous les vers latins, M. Quicherat vient d’en donner une édition nouvelle, sans autre but que de mériter l’approbation de quelques