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exite, et vos, Joannes tremite, grossièrement écrit sur un monument lapidaire, pour l’épitaphe d’un géant du nom de Giadisophe, tué par saint Benoît. Leur critique ne s’égare pas dans ces divagations puériles, et plus les sujets sur lesquels elle s’exerce présentent d’incertitudes et d’obscurités, plus elle marche prudemment. Ainsi le groupe qui s’occupe de l’archéologie préhistorique[1] se borne à constater les découvertes, à décrire exactement les objets, à préciser les lieux où ils ont été trouvés. On ne saurait trop l’engager à persister dans cette voie. Une science qui n’a pour se renseigner que des silex et des ossemens semble condamnée à errer longtemps encore dans la nuit; mais le jour commence à poindre, et il est permis d’espérer qu’à force de chercher et de comparer on arrivera à jeter quelque lumière sur l’un des plus grands problèmes qui puisse attirer l’esprit humain, c’est-à-dire l’apparition de l’homme sur la terre. L’archéologie gallo-romaine et franque est un peu délaissée, mais cet abandon tient peut-être à l’abus qui en a été fait. M. L’abbé Cochet avait épuisé les cimetières francs; on s’est lassé de les fouiller après lui pour y trouver les mêmes armes, les mêmes plaques de ceinturon, les mêmes peignes à moustaches; l’attention s’est détournée, elle se porte aujourd’hui vers les chartes, les cartulaires, l’histoire des provinces, des villes, des institutions, et dans cet ordre de recherches la bibliographique départementale surabonde.

Il ne restera bientôt plus en France une seule ville, si petite qu’elle soit, un seul chef-lieu de canton, un seul bourg, un seul village, pour peu qu’il compte 1,500 habitans, qui ne puisse placer les volumes de ses annales sur les rayons de sa bibliothèque populaire. Arcy-le-Ponsard, Choisel, Douillet, Grésy-sur-Aix, Saint-Just-sur-Marseille, Douchy, Haillicourt, et bien d’autres communes, fort peu connues du voyageur et de l’antiquaire, ont leurs historiographes comme Louis XIV. Les états-généraux et provinciaux, les assemblés provinciales de 1788, les justices municipales, les parlemens, les bailliages, les impôts, ont été étudiés avec un grand soin par MM. Brives-Caze, Caron, Leroy, Lapierre, Combier, Rivière; les invasions normandes dans le Berry, les invasions anglaises dans la Guienne et l’Anjou ont fourni à MM. Brissaud, Clouet, Joubert, le sujet de curieuses recherches, et quand on compare ces invasions à celle que nous avons subie, on reconnaît qu’en dépit des vaticinations humanitaires la guerre ne se civilise pas, et que les uhlans, les Poméraniens et autres ravageurs des armées allemandes

  1. Les principaux membres de ce groupe, qui a des représentans dans toute la France, sont MM. Arcelin, de Ferry, Lepic, Maricourt, Auguste Nicaise, Edmond Piette, Aymard, Boucher de Molandon, le frère Indes et de Baye, à qui l’on doit la fondation d’un musée spécial.